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INTRODUCTION
Définitions de base
Engagement, mobilisation, participation = ensemble de comportements et d’activités politiques assumés par des individus/groupes n’ayant pas un rapport professionnel à la politique et appelés couramment citoyens/gouvernés.
Nuances
Engagement = implication individuelle.
Mobilisation = action collective, mouvements sociaux.
Participation = activités individuelles et collectives normées/institutionnelles pour faire fonctionner la démocratie.
Jan Van Deth (politologue PB) : distingue 4 formes de participation
Minimaliste (elite-oriented) : conventionnelle, institutionnelle
Ex : vote, adhésion, parti…
Protestataire (elite challenging) : non-conventionnelle, non-institutionnelle
Ex : pétition, manifestation, slogans sur les murs, bloquer une route…
Civique : sociale, communautaire, traite de problèmes collectifs (cadre associatif)
Ex : bénévolat…
Expressive : collective individualisée
Ex : consommation engagée, expression corporelle/vestimentaire (comme coiffure afro).
I. MODÈLES EXPLICATIFS
4 catégories de modèles d’engagement en concurrence
A. EXPLICATION PAR LE CONTEXTE INSTITUTIONNEL ET POLITIQUE
Le modèle des structures d’opportunités politiques (SOP)
C’est quoi le modèle SOP ?
Les configurations institutionnelles et politiques peuvent favoriser ou empêcher la mobilisation, selon le degré d’ouverture ou de fermeture du système politique.
Deux grands types de systèmes politiques :
Système politique ouvert : permet des mobilisations par les canaux institutionnels ; elles sont donc peu contestataires.
Système politique fermé : le coût de la contestation est élevé ; les mobilisations sont plus rares, mais souvent plus violentes.
Le degré d’ouverture d’un système politique se mesure selon 4 dimensions principales :
(Non)-existence de dispositifs institutionnels permettant de faire des revendications (ex : la SU est plus ouverte que la FR).
Souplesse du système partisan : capacité du système à gérer l’expression des revendications.
Présence ou absence d’alliés influents : leur soutien peut renforcer un mouvement, surtout si le conflit divise les élites.
Stratégies de répression étatique : une répression faible ou l’abandon du soutien policier au régime (comme en EG en 2011) peut faciliter la mobilisation.
Analyse comparative sur les révolutions
C’est qui Misagh Parsa ?
Sociologue.
Révolutions étudiées :
Révolution sandiniste au Nicaragua (1979) : chute de la dynastie Somoza.
Révolution iranienne (1979) : chute du Shah.
Révolution philippine (1986) : président Marcos en exil, mais maintien des élites.
Deux niveaux d’explication :
Structurel : l'État intervient dans l'économie pour montrer sa capacité d’action, mais devient alors la cible principale des protestations.
Processuel : plus les conflits entre travailleurs et capitalistes sont intenses, moins la révolution a de chances de réussir → les coalitions sociales totales sont les plus efficaces.
Cas spécifique de l’Iran (1979) : contredit le modèle SOP.
Sur le plan structurel : le régime n’est pas faible (soutien des États-Unis, forte répression).
Crise économique (récession due à la chute du prix du pétrole), mais pas plus grave qu’ailleurs.
Explication du succès révolutionnaire : formation de coalitions sociales diverses mais solidaires (clergé chiite, étudiants, etc.).
Critique du modèle SOP
C’est qui Doug McAdam ?
Sociologue US
Reproche principal :
Le modèle SOP est trop déterministe (il prédit trop mécaniquement le succès ou l’échec des mobilisations).
Cas des protestations afro-américaines à partir de 1999 : McAdam montre que trois institutions jouent un rôle central dans la mobilisation :
Les Églises.
Les universités.
Les branches sudistes de la NAACP (National Association for the Advancement of Colored People).
B. EXPLICATION PAR LES INÉGALITÉS SOCIALES
La base (bon)
Lien entre engagement politique et structure sociale
La participation politique dépend des ressources sociales des individus (temps, argent, accès à l’information, confiance en soi) → tout le monde n’a pas les mêmes capacités à s’engager.
Participation politique : un éventail d’activités très large mais marqué par un fort écart social.
Indice de Pearson
Utilisé pour mesurer la corrélation entre le statut social (niveau de diplôme, revenus) et le niveau de participation politique.
Résultat d’un sondage de 2014 : un paradoxe :
Participation conventionnelle (vote, partis, syndicats) : relativement égalitaire.
Participation non institutionnelle (manifs, pétitions, occupations) : très inégalitaire.
Mobilisation socialement différenciée
C’est qui Giugni et Grasso ?
Politologues italiens.
Constat : les ouvriers sont moins mobilisés que :
Les classes moyennes.
Les personnes qui se déclarent de classe ouvrière mais ne le sont pas vraiment (ex : chômeurs).
Type de mobilisations selon la classe sociale :
Mobilisations culturelles ou identitaires : surtout les classes moyennes.
Mobilisations économiques : surtout les classes populaires.
Inégalités de genre dans la participation politique
Le "gender gap" a disparu dans le vote, mais persiste dans :
Certains types de participation non conventionnelle.
Certaines régions du monde.
Différences observées :
Les femmes signent plus de pétitions et collectent plus de fonds que les hommes.
Les actions comme le boycott / buycott et la manifestation montrent un écart de genre plus faible.
Les femmes sont moins nombreuses à participer politiquement que les hommes, mais leur engagement est souvent plus intense ou qualitatif.
Cas spécifique de l’AL :
Les femmes jouent un rôle central dans les processus de démocratisation.
Exemple : les Madres de Plaza de Mayo en ARG.
L’engagement féminin s’appuie sur des réseaux associatifs religieux ou d’entraide (comme les cuisines communautaires).
Cas des groupes ethniques africains :
Le gender gap est faible dans les sociétés à système matrilinéaire (transmission des terres par les femmes).
Lien entre participation et représentation
Observation importante :
Ceux qui participent le plus (ex : manifestations) sont aussi ceux qui votent le plus.
Problème démocratique soulevé :
Si les +défavorisés participent -, ils sont aussi - représentés.
Cela engendre des inégalités de représentation qui se traduisent en inégalités dans l’action publique.
C. EXPLICATION PAR L’INTERACTION ENTRE INDIVIDUS ET ORGANISATIONS
Le Civic Voluntary Model
C’est qui Verba, Schlozman et Brady ?
Politologues US.
Objectif : comprendre pourquoi certains individus ne participent pas à la vie politique.
Trois explications principales qui forment le Civic Voluntary Model :
Ils ne peuvent pas : à cause des inégalités sociales (ressources, accès à l’information, temps, etc.).
Ils ne veulent pas : absence de motivation, d’intérêt ou de sentiment d'efficacité politique.
Personne ne leur a demandé : cela souligne que les organisations produisent de l’engagement en sollicitant directement les individus.
Le paradoxe de l’action collective : Mancur Olson
C’est qui Mancur Olson ?
Economiste US.
Constat de départ : les individus sont rationnels, ils calculent coûts et bénéfices avant de s’engager.
Problème :
L’action collective a un coût (temps, énergie, exposition sociale).
Mais ses bénéfices sont collectifs (ex : une hausse de salaires bénéficie à tous, même à ceux qui ne font pas grève).
Conclusion : le comportement rationnel = ne pas s’engager mais profiter de l’effort des autres → c’est le phénomène du passager clandestin.
Pourquoi certains s’engagent quand même ? :
Grâce à des rétributions individuelles : obtenir un poste dans une organisation, élargir son réseau, recevoir des informations, se faire des amis...
Ces rétributions ne motivent pas toujours l’entrée dans l’engagement (souvent méconnues au départ), mais jouent un rôle important dans sa continuité.
Approche interactionnelle
C’est qui Olivier Fillieule ?
Sociologue FR.
Thèse centrale :
L’engagement résulte d’une interaction entre les dispositions individuelles (goûts, croyances, trajectoire personnelle) et l’offre organisationnelle disponible.
Vision du militantisme dans la sociologie interactionnelle :
Le militantisme est un processus d’apprentissage des tâches et des normes.
Il socialise les individus, leur transmet des compétences et des codes d’action.
Importance des réseaux interpersonnels :
Les individus sont +susceptibles de s’engager quand ils y sont invités par leurs proches (amis, famille, collègues...).
Le rôle structurant des organisations
C’est qui John McCarthy et Mayer Zald ?
Sociologue US.
Thèse :
L’offre organisationnelle est plus déterminante que la "demande" sociale pour expliquer la mobilisation.
Cela permet de comprendre comment des groupes pauvres peuvent parfois se mobiliser efficacement, s’ils ont à leur disposition des organisations structurées et actives.
Intégration des groupes
Selon Anthony Oberschall
Mobilisation efficace = dépend du niveau d’intégration sociale, selon deux axes :
Intégration verticale = capacité d’un groupe à représenter ses membres à travers des structures hiérarchisées et bien reliées à d’autres niveaux de la société.
Intégration horizontale = liens solides et denses entre les membres d’un même groupe.
→ Plus ces deux types d’intégration sont forts, plus le potentiel de mobilisation est élevé.
Les réactions à l’insatisfaction
C’est qui Albert Hirschman ?
Militant antifasciste puis économiste US.
Analyse des comportements individuels face à une organisation politique insatisfaisante :
Exit : quitter l’organisation (ex : démission d’un parti, exil fiscal).
Comportement de type « marché » : la fuite peut pousser l’organisation à se réformer.
Voice : prendre la parole pour demander un changement (ex : pétition, candidature interne, motion).
Loyalty : rester fidèle à l’organisation malgré les désaccords, favorisant le statu quo.
Ces trois réactions peuvent s’articuler :
Exemple : loyalty initiale, puis usage de la voice, avec menace d’un exit si rien ne change.
D. EXPLICATION PAR LES RESSORTS PSYCHOLOGIQUES ET ÉMOTIONNELS
Approches récentes : mise en avant des motivations psychosociales et émotionnelles dans les mobilisations
Précurseurs de la psychologie sociale des foules
Gustave Le Bon (psychologue social FR, XIXe) :
Dans Psychologie des foules, il explique que les mobilisations collectives reposent sur une irrationalité propre aux foules.
Les individus perdent leur individualité dans la masse, deviennent suggérables.
Le pouvoir des leaders repose sur la fascination, l’hypnose collective, le charisme → cela déclenche des comportements mimétiques et émotionnels.
Gabriel Tarde (psychologue social FR) :
Met en avant les lois de l’imitation : les comportements collectifs se diffusent par interactions sociales.
L’imitation agit comme force d’entraînement, ce qui alimente la dynamique de mobilisation.
Le rôle des émotions
C’est qui James Jasper ?
Sociologue US.
Thèse centrale : les émotions et les passions sont fondamentales dans les mobilisations collectives → il s’oppose aux approches purement rationnelles.
Il théorise la notion de choc moral en quatre points :
L’événement est inattendu, provoque un effet de surprise/déstabilisation.
Il implique une expérience physique, mobilise corps et émotions (pas de séparation corps / esprit).
Il a une dimension morale : il change notre manière de juger le monde en termes de bien et de mal.
Il produit des effets d’activation : il pousse les individus à agir concrètement.
Conséquence : le choc moral fait émerger des émotions puissantes comme le dégoût, la colère, la peur, la fierté, qui peuvent motiver un engagement fort.
Exemple emblématique : le meurtre de George Floyd par un policier en 2020 a suscité un choc moral et déclenché une vague mondiale de mobilisation portée par le mouvement Black Lives Matter.
Utilisation stratégique du choc moral par les organisations
Les organisations exploitent ces émotions pour sensibiliser, choquer, faire réagir :
Exemple : l’association L214 utilise des vidéos très choquantes montrant les conditions d’élevage intensif pour susciter une réaction de dégoût et mobiliser.
Autre exemple : l’art peut servir de déclencheur émotionnel en dénonçant des injustices de manière visuelle ou performative.
II. ÉVOLUTION DES MODES DE SENSIBILISATION
A. NOTION DE RÉPERTOIRE D’ACTION
C’est quoi le répertoire d’action ?
La base de la thèse
Charles Tilly (historien, sociologue, politiste US).
Tilly crée la notion de répertoire d’action collective pour montrer que les modes de contestation ne sont pas spontanés, mais s’inscrivent dans des formes régulières propres à chaque époque.
Chaque période historique puise dans un répertoire limité de moyens d’action considérés comme légitimes ou efficaces.
Les critères du répertoire d’action de Tilly
Un univers de contraintes
→ Les acteurs doivent faire avec un contexte politique, social et institutionnel qui limite ou oriente leurs choix de mobilisation.
Une grande stabilité
→ Les formes de protestation ne changent pas fréquemment ; elles restent relativement constantes au sein d’une même époque.
Des définitions partagées et routinisées des situations
→ Manifestants, autorités, médias… comprennent de la même manière les formes d’action (ex : manif = revendication politique → on sait comment y réagir).
Des choix stratégiques
→ Les acteurs sociaux ne choisissent pas leurs modes d’action au hasard : ils adoptent ceux qui leur semblent les plus efficaces dans un cadre donné.
Un processus d’homogénéisation
→ Les différents groupes mobilisés adoptent des formes similaires de protestation car ils ont souvent des intérêts, contraintes ou répertoires proches.
Des innovations par dérivation ou détournement
→ Il y a parfois création de nouvelles formes d’action, mais en adaptant des modèles existants (ex : sit-in → die-in).
Evolution historique des répertoires d’action
Evolution historique des répertoires d’action
XVIIe siècle : les protestations sont locales, paysannes, liées à la vie économique quotidienne → elles se déroulent dans des lieux comme les moulins ou les marchés.
XVIIIe → XIXe siècle :
Nationalisation des luttes : les protestations deviennent centrées sur l’État-nation, et prennent une ampleur nationale.
Autonomisation vis-à-vis des élites : les mobilisations sont de plus en plus portées par les populations elles-mêmes, sans passer par des intermédiaires.
XIXe siècle : apparition de nouveaux moyens d’action nationaux, comme les grèves et les manifestations.
B. MODES DE PROTESTATION CONTEMPORAINS (bam)
Le répertoire d’action moderne
Très large et diversifié, intégrant des formes classiques (manif, grève) et des formes nouvelles ou plus spectaculaires.
Exemples :
Chaînes humaines : souvent utilisées pour défendre l’indépendance nationale (Hong-Kong en 2014, contre l’ingérence de la Chine).
Sit-in : forme de protestation pacifique par occupation symbolique d’un lieu (Black Lives Matter en 2020).
Trois grandes transformations contemporaines
Accélération de la circulation des répertoires :
Grâce aux réseaux sociaux numériques, les formes d’action se diffusent très rapidement à l’échelle mondiale.
Exemple : Emiliano Zapata en 1994 pendant la révolte mexicaine // Gilets jaunes en 2018 utilisant Facebook → la logique virale permet un transfert rapide des tactiques.
Élargissement des cibles :
Les mobilisations ne visent plus seulement l’État, mais aussi des acteurs privés, notamment les entreprises ou les marchés.
Ces nouvelles cibles servent aussi de levier pour faire pression sur l’État.
Exemple historique : Gandhi en 1930 avec le boycott du sel anglais taxé = protestation contre la domination coloniale britannique par le biais d’un produit de consommation.
Recours à la perturbation, parfois illégale mais symbolique :
Les actions peuvent violer la loi, mais de manière pacifiste et assumée, au nom de valeurs jugées plus légitimes : c’est la désobéissance civile.
Exemples :
Die-in contre l’inaction des industries pharmaceutiques face au SIDA → technique ensuite réutilisée par féministes et militants antiracistes.
Femen : actions très visuelles avec mise en scène des corps, souvent torse nu pour provoquer.
Autres formes : grèves de la faim, occupations de ZAD (zones à défendre).
Ces actions relèvent d’un registre de la provocation, cherchant à bousculer l’opinion et les autorités.
La désobéissance civile
Définition
Une infraction délibérée à la loi, pour exprimer un désaccord politique, dans le but de provoquer un changement.
Origines historiques :
Henry David Thoreau (1846) : refuse de payer ses impôts en protestation contre l’esclavage et la guerre contre le Mexique.
Puis repris par Gandhi (INDE) et Martin Luther King (US).
Lien avec les nouveaux moyens techniques de communication :
Internet, réseaux sociaux, vidéos, etc. amplifient les actions de désobéissance civile et permettent leur diffusion rapide.
Un moteur de progrès ou un danger démocratique ?
→ Deux lectures possibles :
Une vertu démocratique : la désobéissance civile permet de faire entendre des voix minoritaires, de défendre des principes supérieurs à la loi (justice, éthique…).
Une remise en question du pacte d’obéissance (Hobbes) et du contrat social : obéir à la loi est la condition du vivre-ensemble — la désobéissance met en tension cet équilibre.
Le recours au droit comme mode de mobilisation
Mobilisation juridique transnationale
→ Ex : des étudiants de Vanuatu saisissent la Cour Internationale de Justice à La Haye pour questionner les obligations légales des États en matière de financement de la lutte contre le changement climatique.
Appui sur les entités supranationales
→ Les mouvements sociaux peuvent mobiliser des organes juridiques internationaux ou des normes supra-étatiques (droits humains, environnement, etc.) pour contourner ou faire pression sur les États-nations.
L’hypothèse d’un 3e répertoire d’action collective
Della Porta & Tarrow (2005)
Ils proposent l’idée d’un nouveau répertoire, lié à la mondialisation et à l’internationalisation des luttes → qu’ils appellent "internationalisme complexe".
Contexte de transformation :
Mondialisation économique
Révolution des communications
Multiplication des flux diasporiques
Déclin relatif de l’État-nation :
Perte de contrôle exclusif sur le territoire et sur la politique
Remplacement partiel par une « société civile transnationale »
Évolution des relations internationales :
Passage d’un monde centré sur les États et les relations interétatiques
Vers un monde où dominent les agences supra-étatiques (organisations internationales, ONG transnationales, forums mondiaux)
Conséquence : un nouveau répertoire militant :
Moins ancré dans les formes traditionnelles (manif, grève…)
Plus orienté vers le droit international, la diplomatie citoyenne, les réseaux transnationaux, le plaidoyer auprès d’institutions globales
III. THÈMES DE MOBILISATION : PROTESTATIONS IDENTITAIRES ET SOCIO-ÉCONOMIQUES
Emergence de nouveaux types de revendications dans les 1970s
L’apparition de valeurs postmatérialistes (Inglehart) dans les sociétés occidentales marque un glissement des luttes traditionnelles économiques vers des revendications identitaires.
Ces nouveaux mouvements sociaux ne se concentrent plus seulement sur le bien-être matériel (salaires, emploi…) mais sur des enjeux de reconnaissance, droits et égalité symbolique.
A. MOBILISATIONS IDENTITAIRES
La base (bon bon)
Définition et logique
Mobilisation de personnes concernées directement (et parfois aussi en solidarité avec d’autres) qui cherchent à transformer leur identité sociale, en remettant en cause les stigmates imposés par la société dominante.
Notion centrale : identity politics (= luttes politiques fondées sur l’appartenance à un groupe identitaire).
Exemples de mobilisations identitaires
Féministes (égalité femmes/hommes, violences sexuelles, avortement…)
LGBT+
Antiracistes
Défense des droits des peuples indigènes
Perspective sociologique
Ces mobilisations rejoignent la vision wébérienne de la structure sociale : elle ne se réduit pas à la classe (richesse), mais inclut aussi les groupes de statut (niveau de considération sociale).
Existence de contre-mouvements
Ces mobilisations suscitent des réactions conservatrices ou réactionnaires, parfois progressives mais souvent hostiles.
Exemple : "Laissez-les vivre", association anti-IVG lors des débats sur la loi Veil en 1975.
Les trois caractéristiques principales des mobilisations identitaires
Émergent de groupes se percevant comme dominés ou marginalisés : minoritaires, stigmatisés, perçus comme déviants ou menacés.
Utilisent des symboles dans l’action collective : remettent en cause les normes culturelles et sociales dominantes.
Portent des revendications liées à la représentation :
Accès aux droits
Visibilité dans l’espace public
Reconnaissance de la catégorie sociale (ex : débats sur les termes à employer pour désigner des personnes racisées, handicapées, LGBT+, etc.)
Le cas du féminisme : une chronologie linéaire remise en question
Chronologie "classique" souvent présentée :
Début XXe siècle : suffragettes → droit de vote
1960-1970 : MLF, lutte contre patriarcat, égalité
1990s : libéralisation sexuelle
Aujourd’hui : féminisme anticolonial, féminisme queer, intersectionnalité
Mais cette vision linéaire est trop simpliste
Il existe de fortes tensions internes entre les différents courants féministes :
Différentialisme vs universalisme
Féminisme matérialiste vs féminisme queer
Position sur la prostitution
Reconnaissance ou non des femmes trans dans les luttes féministes
Politisation du quotidien
Ces luttes mettent en avant les enjeux de la vie quotidienne : violences sexistes et sexuelles (VSS) dans la sphère privée, publique et professionnelle, droit à l’avortement, etc.
C’est une logique d’investissement politique du quotidien, qui cherche à transformer la société par des pratiques alternatives concrètes.
B. MOBILISATIONS SOCIO-ÉCONOMIQUES
Conditions de base du non-engagement des classes populaires
Manque de ressources
Les personnes en situation de précarité s’engagent moins du fait de manques de ressources : temps, argent, capital culturel, accès à l'information, réseau, confiance…
Décalage entre condition économique objective et perception subjective
Mais aussi parce que le ressenti subjectif de leur situation ne pousse pas toujours à la mobilisation, même si leur condition est objectivement difficile.
Théorie de la frustration relative
C’est quoi ?
Inspirée de Marx et Tocqueville, cette théorie explique que le moteur de la mobilisation, ce n’est pas toujours la misère extrême, mais le sentiment d’injustice.
La frustration est relative : elle dépend de la comparaison avec :
Des situations antérieures (ex : déclassement)
Des attentes collectives (souvent construites socialement)
D’autres groupes sociaux (comparaison horizontale)
Deux cas de figure :
Récession économique : les attentes restent stables alors que les conditions matérielles se dégradent → sentiment d’injustice
Croissance économique : accès accru aux biens de consommation → attentes augmentent → ceux qui n’en bénéficient pas se sentent exclus
Exemple de Bourdieu : mai 68
Étudiants en bac+5 vivent un sentiment de déclassement :
Démocratisation de l’enseignement supérieur → perte de prestige des diplômes
Marché du travail saturé → perspectives d’emploi dégradées malgré capital scolaire élevé
Ce décalage entre attentes et réalité a favorisé la mobilisation étudiante.
Application de la théorie dans les pays du Sud
Même logique dans les pays pauvres où les modèles de consommation occidentaux sont visibles mais inaccessibles :
Ex : Balai citoyen au Burkina Faso (2013), contre le président Blaise Compaoré (au pouvoir depuis 27 ans)
Forte mobilisation des jeunes :
Raison démographique (population très jeune)
Frustration liée au chômage des diplômés
Les jeunes choisissent entre :
Exit : émigration clandestine
Voice : engagement dans la contestation politique
Critique de l’opposition identité vs matérialité
Nancy Fraser (philosophe féministe US) :
Elle refuse l’opposition entre revendications identitaires et revendications matérielles : selon elle, toute lutte identitaire comporte une dimension économique, liée à l’accès aux droits sociaux.
Exemple : le mouvement des Gilets jaunes en FR mêle demandes de redistribution économique (matérialité) et demande de reconnaissance sociale et symbolique (identité).
AJOUTS DU TD
L’économie morale
Edward P. Thompson (1971)
Concept qui désigne :
La culture, les attentes, les traditions et même les superstitions des classes laborieuses, souvent au cœur des émeutes liées à l’accès aux marchés.
Les relations – souvent négociées – entre les foules et les gouvernants, qui sont réduites à tort au simple terme d’"émeutes".
Cela montre que ces protestations ne sont pas irrationnelles ou spontanées, mais s’appuient sur une vision du juste et de l’injuste profondément ancrée dans la culture populaire.