CM10- Engagement, mobilisation, et participation politiques

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INTRODUCTION

Définitions de base

  • Engagement, mobilisation, participation = ensemble de comportements et d’activités politiques assumés par des individus/groupes n’ayant pas un rapport professionnel à la politique et appelés couramment citoyens/gouvernés.

  • Nuances

    • Engagement = implication individuelle.

    • Mobilisation = action collective, mouvements sociaux.

    • Participation = activités individuelles et collectives normées/institutionnelles pour faire fonctionner la démocratie.

Jan Van Deth (politologue PB) : distingue 4 formes de participation

  • Minimaliste (elite-oriented) : conventionnelle, institutionnelle

    • Ex : vote, adhésion, parti…

  • Protestataire (elite challenging) : non-conventionnelle, non-institutionnelle

    • Ex : pétition, manifestation, slogans sur les murs, bloquer une route…

  • Civique : sociale, communautaire, traite de problèmes collectifs (cadre associatif)

    • Ex : bénévolat…

  • Expressive : collective individualisée

    • Ex : consommation engagée, expression corporelle/vestimentaire (comme coiffure afro).

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I. MODÈLES EXPLICATIFS

4 catégories de modèles d’engagement en concurrence

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A. EXPLICATION PAR LE CONTEXTE INSTITUTIONNEL ET POLITIQUE

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Le modèle des structures d’opportunités politiques (SOP)

C’est quoi le modèle SOP ?

  • Les configurations institutionnelles et politiques peuvent favoriser ou empêcher la mobilisation, selon le degré d’ouverture ou de fermeture du système politique.

Deux grands types de systèmes politiques :

  • Système politique ouvert : permet des mobilisations par les canaux institutionnels ; elles sont donc peu contestataires.

  • Système politique fermé : le coût de la contestation est élevé ; les mobilisations sont plus rares, mais souvent plus violentes.

Le degré d’ouverture d’un système politique se mesure selon 4 dimensions principales :

  1. (Non)-existence de dispositifs institutionnels permettant de faire des revendications (ex : la SU est plus ouverte que la FR).

  2. Souplesse du système partisan : capacité du système à gérer l’expression des revendications.

  3. Présence ou absence d’alliés influents : leur soutien peut renforcer un mouvement, surtout si le conflit divise les élites.

  4. Stratégies de répression étatique : une répression faible ou l’abandon du soutien policier au régime (comme en EG en 2011) peut faciliter la mobilisation.

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Analyse comparative sur les révolutions

C’est qui Misagh Parsa ?

  • Sociologue.

Révolutions étudiées :

  • Révolution sandiniste au Nicaragua (1979) : chute de la dynastie Somoza.

  • Révolution iranienne (1979) : chute du Shah.

  • Révolution philippine (1986) : président Marcos en exil, mais maintien des élites.

Deux niveaux d’explication :

  • Structurel : l'État intervient dans l'économie pour montrer sa capacité d’action, mais devient alors la cible principale des protestations.

  • Processuel : plus les conflits entre travailleurs et capitalistes sont intenses, moins la révolution a de chances de réussir → les coalitions sociales totales sont les plus efficaces.

Cas spécifique de l’Iran (1979) : contredit le modèle SOP.

  • Sur le plan structurel : le régime n’est pas faible (soutien des États-Unis, forte répression).

  • Crise économique (récession due à la chute du prix du pétrole), mais pas plus grave qu’ailleurs.

  • Explication du succès révolutionnaire : formation de coalitions sociales diverses mais solidaires (clergé chiite, étudiants, etc.).

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Critique du modèle SOP

C’est qui Doug McAdam ?

  • Sociologue US

Reproche principal :

  • Le modèle SOP est trop déterministe (il prédit trop mécaniquement le succès ou l’échec des mobilisations).

Cas des protestations afro-américaines à partir de 1999 : McAdam montre que trois institutions jouent un rôle central dans la mobilisation :

  • Les Églises.

  • Les universités.

  • Les branches sudistes de la NAACP (National Association for the Advancement of Colored People).

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B. EXPLICATION PAR LES INÉGALITÉS SOCIALES

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La base (bon)

Lien entre engagement politique et structure sociale

  • La participation politique dépend des ressources sociales des individus (temps, argent, accès à l’information, confiance en soi) → tout le monde n’a pas les mêmes capacités à s’engager.

  • Participation politique : un éventail d’activités très large mais marqué par un fort écart social.

Indice de Pearson

  • Utilisé pour mesurer la corrélation entre le statut social (niveau de diplôme, revenus) et le niveau de participation politique.

  • Résultat d’un sondage de 2014 : un paradoxe :

    • Participation conventionnelle (vote, partis, syndicats) : relativement égalitaire.

    • Participation non institutionnelle (manifs, pétitions, occupations) : très inégalitaire.

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Mobilisation socialement différenciée

C’est qui Giugni et Grasso ?

  • Politologues italiens.

Constat : les ouvriers sont moins mobilisés que :

  • Les classes moyennes.

  • Les personnes qui se déclarent de classe ouvrière mais ne le sont pas vraiment (ex : chômeurs).

Type de mobilisations selon la classe sociale :

  • Mobilisations culturelles ou identitaires : surtout les classes moyennes.

  • Mobilisations économiques : surtout les classes populaires.

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Inégalités de genre dans la participation politique

Le "gender gap" a disparu dans le vote, mais persiste dans :

  • Certains types de participation non conventionnelle.

  • Certaines régions du monde.

Différences observées :

  • Les femmes signent plus de pétitions et collectent plus de fonds que les hommes.

  • Les actions comme le boycott / buycott et la manifestation montrent un écart de genre plus faible.

  • Les femmes sont moins nombreuses à participer politiquement que les hommes, mais leur engagement est souvent plus intense ou qualitatif.

Cas spécifique de l’AL :

  • Les femmes jouent un rôle central dans les processus de démocratisation.

  • Exemple : les Madres de Plaza de Mayo en ARG.

  • L’engagement féminin s’appuie sur des réseaux associatifs religieux ou d’entraide (comme les cuisines communautaires).

Cas des groupes ethniques africains :

  • Le gender gap est faible dans les sociétés à système matrilinéaire (transmission des terres par les femmes).

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Lien entre participation et représentation

Observation importante :

  • Ceux qui participent le plus (ex : manifestations) sont aussi ceux qui votent le plus.

Problème démocratique soulevé :

  • Si les +défavorisés participent -, ils sont aussi - représentés.

  • Cela engendre des inégalités de représentation qui se traduisent en inégalités dans l’action publique.

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C. EXPLICATION PAR L’INTERACTION ENTRE INDIVIDUS ET ORGANISATIONS

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Le Civic Voluntary Model

C’est qui Verba, Schlozman et Brady ?

  • Politologues US.

Objectif : comprendre pourquoi certains individus ne participent pas à la vie politique.

Trois explications principales qui forment le Civic Voluntary Model :

  1. Ils ne peuvent pas : à cause des inégalités sociales (ressources, accès à l’information, temps, etc.).

  2. Ils ne veulent pas : absence de motivation, d’intérêt ou de sentiment d'efficacité politique.

  3. Personne ne leur a demandé : cela souligne que les organisations produisent de l’engagement en sollicitant directement les individus.

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Le paradoxe de l’action collective : Mancur Olson

C’est qui Mancur Olson ?

  • Economiste US.

Constat de départ : les individus sont rationnels, ils calculent coûts et bénéfices avant de s’engager.

Problème :

  • L’action collective a un coût (temps, énergie, exposition sociale).

  • Mais ses bénéfices sont collectifs (ex : une hausse de salaires bénéficie à tous, même à ceux qui ne font pas grève).

  • Conclusion : le comportement rationnel = ne pas s’engager mais profiter de l’effort des autres → c’est le phénomène du passager clandestin.

Pourquoi certains s’engagent quand même ? :

  • Grâce à des rétributions individuelles : obtenir un poste dans une organisation, élargir son réseau, recevoir des informations, se faire des amis...

  • Ces rétributions ne motivent pas toujours l’entrée dans l’engagement (souvent méconnues au départ), mais jouent un rôle important dans sa continuité.

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Approche interactionnelle

C’est qui Olivier Fillieule ?

  • Sociologue FR.

Thèse centrale :

  • L’engagement résulte d’une interaction entre les dispositions individuelles (goûts, croyances, trajectoire personnelle) et l’offre organisationnelle disponible.

Vision du militantisme dans la sociologie interactionnelle :

  • Le militantisme est un processus d’apprentissage des tâches et des normes.

  • Il socialise les individus, leur transmet des compétences et des codes d’action.

Importance des réseaux interpersonnels :

  • Les individus sont +susceptibles de s’engager quand ils y sont invités par leurs proches (amis, famille, collègues...).

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Le rôle structurant des organisations

C’est qui John McCarthy et Mayer Zald ?

  • Sociologue US.

Thèse :

  • L’offre organisationnelle est plus déterminante que la "demande" sociale pour expliquer la mobilisation.

  • Cela permet de comprendre comment des groupes pauvres peuvent parfois se mobiliser efficacement, s’ils ont à leur disposition des organisations structurées et actives.

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Intégration des groupes

Selon Anthony Oberschall

Mobilisation efficace = dépend du niveau d’intégration sociale, selon deux axes :

  • Intégration verticale = capacité d’un groupe à représenter ses membres à travers des structures hiérarchisées et bien reliées à d’autres niveaux de la société.

  • Intégration horizontale = liens solides et denses entre les membres d’un même groupe.

Plus ces deux types d’intégration sont forts, plus le potentiel de mobilisation est élevé.

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Les réactions à l’insatisfaction

C’est qui Albert Hirschman ?

  • Militant antifasciste puis économiste US.

Analyse des comportements individuels face à une organisation politique insatisfaisante :

  • Exit : quitter l’organisation (ex : démission d’un parti, exil fiscal).

    • Comportement de type « marché » : la fuite peut pousser l’organisation à se réformer.

  • Voice : prendre la parole pour demander un changement (ex : pétition, candidature interne, motion).

  • Loyalty : rester fidèle à l’organisation malgré les désaccords, favorisant le statu quo.

Ces trois réactions peuvent s’articuler :

  • Exemple : loyalty initiale, puis usage de la voice, avec menace d’un exit si rien ne change.

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D. EXPLICATION PAR LES RESSORTS PSYCHOLOGIQUES ET ÉMOTIONNELS

Approches récentes : mise en avant des motivations psychosociales et émotionnelles dans les mobilisations

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Précurseurs de la psychologie sociale des foules

Gustave Le Bon (psychologue social FR, XIXe) :

  • Dans Psychologie des foules, il explique que les mobilisations collectives reposent sur une irrationalité propre aux foules.

  • Les individus perdent leur individualité dans la masse, deviennent suggérables.

  • Le pouvoir des leaders repose sur la fascination, l’hypnose collective, le charisme → cela déclenche des comportements mimétiques et émotionnels.

Gabriel Tarde (psychologue social FR) :

  • Met en avant les lois de l’imitation : les comportements collectifs se diffusent par interactions sociales.

  • L’imitation agit comme force d’entraînement, ce qui alimente la dynamique de mobilisation.

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Le rôle des émotions

C’est qui James Jasper ?

  • Sociologue US.

  • Thèse centrale : les émotions et les passions sont fondamentales dans les mobilisations collectives → il s’oppose aux approches purement rationnelles.

Il théorise la notion de choc moral en quatre points :

  1. L’événement est inattendu, provoque un effet de surprise/déstabilisation.

  2. Il implique une expérience physique, mobilise corps et émotions (pas de séparation corps / esprit).

  3. Il a une dimension morale : il change notre manière de juger le monde en termes de bien et de mal.

  4. Il produit des effets d’activation : il pousse les individus à agir concrètement.

Conséquence : le choc moral fait émerger des émotions puissantes comme le dégoût, la colère, la peur, la fierté, qui peuvent motiver un engagement fort.

  • Exemple emblématique : le meurtre de George Floyd par un policier en 2020 a suscité un choc moral et déclenché une vague mondiale de mobilisation portée par le mouvement Black Lives Matter.

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Utilisation stratégique du choc moral par les organisations

Les organisations exploitent ces émotions pour sensibiliser, choquer, faire réagir :

  • Exemple : l’association L214 utilise des vidéos très choquantes montrant les conditions d’élevage intensif pour susciter une réaction de dégoût et mobiliser.

  • Autre exemple : l’art peut servir de déclencheur émotionnel en dénonçant des injustices de manière visuelle ou performative.

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II. ÉVOLUTION DES MODES DE SENSIBILISATION

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A. NOTION DE RÉPERTOIRE D’ACTION

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C’est quoi le répertoire d’action ?

La base de la thèse

  • Charles Tilly (historien, sociologue, politiste US).

  • Tilly crée la notion de répertoire d’action collective pour montrer que les modes de contestation ne sont pas spontanés, mais s’inscrivent dans des formes régulières propres à chaque époque.

  • Chaque période historique puise dans un répertoire limité de moyens d’action considérés comme légitimes ou efficaces.

Les critères du répertoire d’action de Tilly

  • Un univers de contraintes
    → Les acteurs doivent faire avec un contexte politique, social et institutionnel qui limite ou oriente leurs choix de mobilisation.

  • Une grande stabilité
    → Les formes de protestation ne changent pas fréquemment ; elles restent relativement constantes au sein d’une même époque.

  • Des définitions partagées et routinisées des situations
    → Manifestants, autorités, médias… comprennent de la même manière les formes d’action (ex : manif = revendication politique → on sait comment y réagir).

  • Des choix stratégiques
    → Les acteurs sociaux ne choisissent pas leurs modes d’action au hasard : ils adoptent ceux qui leur semblent les plus efficaces dans un cadre donné.

  • Un processus d’homogénéisation
    → Les différents groupes mobilisés adoptent des formes similaires de protestation car ils ont souvent des intérêts, contraintes ou répertoires proches.

  • Des innovations par dérivation ou détournement
    → Il y a parfois création de nouvelles formes d’action, mais en adaptant des modèles existants (ex : sit-indie-in).

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Evolution historique des répertoires d’action

Evolution historique des répertoires d’action

  • XVIIe siècle : les protestations sont locales, paysannes, liées à la vie économique quotidienne → elles se déroulent dans des lieux comme les moulins ou les marchés.

  • XVIIIe → XIXe siècle :

    • Nationalisation des luttes : les protestations deviennent centrées sur l’État-nation, et prennent une ampleur nationale.

    • Autonomisation vis-à-vis des élites : les mobilisations sont de plus en plus portées par les populations elles-mêmes, sans passer par des intermédiaires.

  • XIXe siècle : apparition de nouveaux moyens d’action nationaux, comme les grèves et les manifestations.

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B. MODES DE PROTESTATION CONTEMPORAINS (bam)

Le répertoire d’action moderne

  • Très large et diversifié, intégrant des formes classiques (manif, grève) et des formes nouvelles ou plus spectaculaires.

  • Exemples :

    • Chaînes humaines : souvent utilisées pour défendre l’indépendance nationale (Hong-Kong en 2014, contre l’ingérence de la Chine).

    • Sit-in : forme de protestation pacifique par occupation symbolique d’un lieu (Black Lives Matter en 2020).

Trois grandes transformations contemporaines

  1. Accélération de la circulation des répertoires :

    • Grâce aux réseaux sociaux numériques, les formes d’action se diffusent très rapidement à l’échelle mondiale.

    • Exemple : Emiliano Zapata en 1994 pendant la révolte mexicaine // Gilets jaunes en 2018 utilisant Facebook → la logique virale permet un transfert rapide des tactiques.

  2. Élargissement des cibles :

    • Les mobilisations ne visent plus seulement l’État, mais aussi des acteurs privés, notamment les entreprises ou les marchés.

    • Ces nouvelles cibles servent aussi de levier pour faire pression sur l’État.

    • Exemple historique : Gandhi en 1930 avec le boycott du sel anglais taxé = protestation contre la domination coloniale britannique par le biais d’un produit de consommation.

  3. Recours à la perturbation, parfois illégale mais symbolique :

    • Les actions peuvent violer la loi, mais de manière pacifiste et assumée, au nom de valeurs jugées plus légitimes : c’est la désobéissance civile.

    • Exemples :

      • Die-in contre l’inaction des industries pharmaceutiques face au SIDA → technique ensuite réutilisée par féministes et militants antiracistes.

      • Femen : actions très visuelles avec mise en scène des corps, souvent torse nu pour provoquer.

      • Autres formes : grèves de la faim, occupations de ZAD (zones à défendre).

    • Ces actions relèvent d’un registre de la provocation, cherchant à bousculer l’opinion et les autorités.

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La désobéissance civile

Définition

  • Une infraction délibérée à la loi, pour exprimer un désaccord politique, dans le but de provoquer un changement.

Origines historiques :

  • Henry David Thoreau (1846) : refuse de payer ses impôts en protestation contre l’esclavage et la guerre contre le Mexique.

  • Puis repris par Gandhi (INDE) et Martin Luther King (US).

Lien avec les nouveaux moyens techniques de communication :

  • Internet, réseaux sociaux, vidéos, etc. amplifient les actions de désobéissance civile et permettent leur diffusion rapide.

Un moteur de progrès ou un danger démocratique ?
→ Deux lectures possibles :

  1. Une vertu démocratique : la désobéissance civile permet de faire entendre des voix minoritaires, de défendre des principes supérieurs à la loi (justice, éthique…).

  2. Une remise en question du pacte d’obéissance (Hobbes) et du contrat social : obéir à la loi est la condition du vivre-ensemble — la désobéissance met en tension cet équilibre.

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Le recours au droit comme mode de mobilisation

  1. Mobilisation juridique transnationale
    Ex : des étudiants de Vanuatu saisissent la Cour Internationale de Justice à La Haye pour questionner les obligations légales des États en matière de financement de la lutte contre le changement climatique.

  2. Appui sur les entités supranationales
    → Les mouvements sociaux peuvent mobiliser des organes juridiques internationaux ou des normes supra-étatiques (droits humains, environnement, etc.) pour contourner ou faire pression sur les États-nations.

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L’hypothèse d’un 3e répertoire d’action collective

Della Porta & Tarrow (2005)

  • Ils proposent l’idée d’un nouveau répertoire, lié à la mondialisation et à l’internationalisation des luttes → qu’ils appellent "internationalisme complexe".

  1. Contexte de transformation :

    • Mondialisation économique

    • Révolution des communications

    • Multiplication des flux diasporiques

  2. Déclin relatif de l’État-nation :

    • Perte de contrôle exclusif sur le territoire et sur la politique

    • Remplacement partiel par une « société civile transnationale »

  3. Évolution des relations internationales :

    • Passage d’un monde centré sur les États et les relations interétatiques

    • Vers un monde où dominent les agences supra-étatiques (organisations internationales, ONG transnationales, forums mondiaux)

  4. Conséquence : un nouveau répertoire militant :

    • Moins ancré dans les formes traditionnelles (manif, grève…)

    • Plus orienté vers le droit international, la diplomatie citoyenne, les réseaux transnationaux, le plaidoyer auprès d’institutions globales

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III. THÈMES DE MOBILISATION : PROTESTATIONS IDENTITAIRES ET SOCIO-ÉCONOMIQUES

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Emergence de nouveaux types de revendications dans les 1970s

L’apparition de valeurs postmatérialistes (Inglehart) dans les sociétés occidentales marque un glissement des luttes traditionnelles économiques vers des revendications identitaires.

  • Ces nouveaux mouvements sociaux ne se concentrent plus seulement sur le bien-être matériel (salaires, emploi…) mais sur des enjeux de reconnaissance, droits et égalité symbolique.

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A. MOBILISATIONS IDENTITAIRES

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La base (bon bon)

Définition et logique

  • Mobilisation de personnes concernées directement (et parfois aussi en solidarité avec d’autres) qui cherchent à transformer leur identité sociale, en remettant en cause les stigmates imposés par la société dominante.

  • Notion centrale : identity politics (= luttes politiques fondées sur l’appartenance à un groupe identitaire).

Exemples de mobilisations identitaires

  • Féministes (égalité femmes/hommes, violences sexuelles, avortement…)

  • LGBT+

  • Antiracistes

  • Défense des droits des peuples indigènes

Perspective sociologique

  • Ces mobilisations rejoignent la vision wébérienne de la structure sociale : elle ne se réduit pas à la classe (richesse), mais inclut aussi les groupes de statut (niveau de considération sociale).

Existence de contre-mouvements

  • Ces mobilisations suscitent des réactions conservatrices ou réactionnaires, parfois progressives mais souvent hostiles.

  • Exemple : "Laissez-les vivre", association anti-IVG lors des débats sur la loi Veil en 1975.

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Les trois caractéristiques principales des mobilisations identitaires

  1. Émergent de groupes se percevant comme dominés ou marginalisés : minoritaires, stigmatisés, perçus comme déviants ou menacés.

  2. Utilisent des symboles dans l’action collective : remettent en cause les normes culturelles et sociales dominantes.

  3. Portent des revendications liées à la représentation :

    • Accès aux droits

    • Visibilité dans l’espace public

    • Reconnaissance de la catégorie sociale (ex : débats sur les termes à employer pour désigner des personnes racisées, handicapées, LGBT+, etc.)

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Le cas du féminisme : une chronologie linéaire remise en question

Chronologie "classique" souvent présentée :

  1. Début XXe siècle : suffragettes → droit de vote

  2. 1960-1970 : MLF, lutte contre patriarcat, égalité

  3. 1990s : libéralisation sexuelle

  4. Aujourd’hui : féminisme anticolonial, féminisme queer, intersectionnalité

Mais cette vision linéaire est trop simpliste

  • Il existe de fortes tensions internes entre les différents courants féministes :

    • Différentialisme vs universalisme

    • Féminisme matérialiste vs féminisme queer

    • Position sur la prostitution

    • Reconnaissance ou non des femmes trans dans les luttes féministes

Politisation du quotidien

  • Ces luttes mettent en avant les enjeux de la vie quotidienne : violences sexistes et sexuelles (VSS) dans la sphère privée, publique et professionnelle, droit à l’avortement, etc.

  • C’est une logique d’investissement politique du quotidien, qui cherche à transformer la société par des pratiques alternatives concrètes.

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B. MOBILISATIONS SOCIO-ÉCONOMIQUES

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Conditions de base du non-engagement des classes populaires

Manque de ressources

  • Les personnes en situation de précarité s’engagent moins du fait de manques de ressources : temps, argent, capital culturel, accès à l'information, réseau, confiance…

Décalage entre condition économique objective et perception subjective

  • Mais aussi parce que le ressenti subjectif de leur situation ne pousse pas toujours à la mobilisation, même si leur condition est objectivement difficile.

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Théorie de la frustration relative

C’est quoi ?

  • Inspirée de Marx et Tocqueville, cette théorie explique que le moteur de la mobilisation, ce n’est pas toujours la misère extrême, mais le sentiment d’injustice.

La frustration est relative : elle dépend de la comparaison avec :

  • Des situations antérieures (ex : déclassement)

  • Des attentes collectives (souvent construites socialement)

  • D’autres groupes sociaux (comparaison horizontale)

Deux cas de figure :

  1. Récession économique : les attentes restent stables alors que les conditions matérielles se dégradent → sentiment d’injustice

  2. Croissance économique : accès accru aux biens de consommation → attentes augmentent → ceux qui n’en bénéficient pas se sentent exclus

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Exemple de Bourdieu : mai 68

Étudiants en bac+5 vivent un sentiment de déclassement :

  • Démocratisation de l’enseignement supérieur → perte de prestige des diplômes

  • Marché du travail saturé → perspectives d’emploi dégradées malgré capital scolaire élevé

Ce décalage entre attentes et réalité a favorisé la mobilisation étudiante.

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Application de la théorie dans les pays du Sud

Même logique dans les pays pauvres où les modèles de consommation occidentaux sont visibles mais inaccessibles :

  • Ex : Balai citoyen au Burkina Faso (2013), contre le président Blaise Compaoré (au pouvoir depuis 27 ans)

  • Forte mobilisation des jeunes :

    • Raison démographique (population très jeune)

    • Frustration liée au chômage des diplômés

Les jeunes choisissent entre :

  • Exit : émigration clandestine

  • Voice : engagement dans la contestation politique

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Critique de l’opposition identité vs matérialité

Nancy Fraser (philosophe féministe US) :

  • Elle refuse l’opposition entre revendications identitaires et revendications matérielles : selon elle, toute lutte identitaire comporte une dimension économique, liée à l’accès aux droits sociaux.

  • Exemple : le mouvement des Gilets jaunes en FR mêle demandes de redistribution économique (matérialité) et demande de reconnaissance sociale et symbolique (identité).

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AJOUTS DU TD

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L’économie morale

Edward P. Thompson (1971)

  • Concept qui désigne :

    • La culture, les attentes, les traditions et même les superstitions des classes laborieuses, souvent au cœur des émeutes liées à l’accès aux marchés.

    • Les relations – souvent négociées – entre les foules et les gouvernants, qui sont réduites à tort au simple terme d’"émeutes".

  • Cela montre que ces protestations ne sont pas irrationnelles ou spontanées, mais s’appuient sur une vision du juste et de l’injuste profondément ancrée dans la culture populaire.