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INTRODUCTION
Le contexte en 987
Après l’éclatement de l’Empire carolingien (après 888), plusieurs royaumes apparaissent.
En 987 :
Louis V est roi de Francie occidentale.
Hugues Capet est duc des Francs.
Charles, oncle de Louis V, est duc de Basse-Lorraine.
Adalbéron, archevêque de Reims, est une figure clé du clergé et un réformateur influent.
La mort de Louis V
En mai 987 (le 21 ou 22), Louis V meurt lors d’une chasse, activité traditionnelle des élites.
Il a 20 ans, pas de descendance → succession ouverte.
Deux candidats :
Charles de Basse-Lorraine (oncle, carolingien, surnommé Charles le Mauvais, duc depuis 977).
Hugues Capet (pas carolingien, issu des Robertiens, grande famille aristocratique).
Choix du nouveau roi : une élection
Assemblée réunie pour élire le nouveau roi : système électif au sein des élites.
Charles n’est même pas présent.
L’assemblée est fortement influencée par Adalbéron, archevêque de Reims :
Homme d’Église, prélat réformateur, rattaché à Metz (ancienne Lotharingie).
Proche des rois ottoniens (Empire germanique), partisans de l’ordre impérial.
Le discours d’Adalbéron selon Richer de Reims
Source
Discours retranscrit par Richer de Reims, moine de Saint-Rémi à Reims, qu’était même pas là.
Richer (~940 – après 998) :
Disciple de Gerbert d’Aurillac (futur pape Sylvestre II).
Historien influencé par les auteurs antiques (biographes romains).
Récit à forte teneur idéologique, pas toujours fidèle chronologiquement.
Nature du discours
Le discours n’a pas été écrit par Adalbéron lui-même.
Transcription indirecte (Richer n'était pas présent non plus).
Inclus dans une histoire (pas une chronique), œuvre savante portant une vision politique.
Construit selon les règles de la rhétorique classique.
Argumentation du discours en 3 étapes (plan)
Nature du document
Chronique : récit purement chronologique, remonte aux origines de la création, discours idéologique fort.
Histoire : oeuvre +savante et élaborée portant sur un objet particulier (nation, époque…).
I. LE CHOIX DU ROI : HÉRÉDITÉ OU ÉLECTION ?
A. LE CADRE DE L’ASSEMBLÉE
Une assemblée convoquée dans un climat de tensions
Entre les Carolingiens et Adalbéron de Reims :
Adalbéron, archevêque de Reims, est un soutien des Ottoniens et donc perçu comme traître par les derniers Carolingiens.
Les rois carolingiens (Lothaire puis Louis V) veulent contrôler la Lotharingie, Adalbéron y a des attaches.
Entre royaumes de Francie occidentale et de Germanie :
Lothaire profite de la régence d’Otton III pour envahir la Lotharingie, capture le comte de Verdun (proche d’Adalbéron).
Louis V continue cette politique anti-lotharingienne → Adalbéron devient l’adversaire principal du roi.
Opposition géographique et politique :
Les Robertiens (dont Hugues Capet) sont implantés dans le Nord et autour de Paris.
Ils représentent les intérêts des aristocrates franciliens, délaissés par la politique carolingienne tournée vers l’est.
Une assemblée détournée de son objectif initial
Projet initial de Louis V : convoquer une assemblée pour juger Adalbéron de Reims (accusé de trahison).
Mort soudaine de Louis V (987) : le projet échoue.
Adalbéron et Hugues Capet retournent la situation :
L’assemblée sert désormais à choisir le nouveau roi → Hugues Capet.
Lieu symbolique : Senlis :
Situé dans le domaine capétien, avantage tactique pour Hugues.
Accentue la mainmise de l’aristocratie locale.
Des éléments rhétoriques pour appuyer l’élection
Utilisation du terme "Gaule" par Adalbéron :
Terme ancien, presque désuet à la fin du Xe siècle.
Sert à donner une dimension universelle et historique à son discours.
Opposé à "France", qui désigne surtout la région autour de Paris.
Référence au serment :
Ambiguïté sur sa nature :
Serment de fidélité au roi ?
Serment d’engagement dans le processus électif ?
Sert à sacraliser l’acte politique de l’assemblée.
B. LA NAISSANCE : SOURCE DE LÉGITIMITÉ (bam)
Adalbéron rappelle que la naissance est une condition primordiale pour devenir roi.
Cette idée remonte à l’avènement des Carolingiens (751–754, Pépin roi).
On est dans une société où le pouvoir se mérite par la naissance.
Transmission héréditaire pas une nouveauté en fin Xe siècle
Elle s’impose dans toutes les familles aristocratiques, pas uniquement dans la famille royale.
Mais il n’y a pas encore de droit d’aînesse :
On choisit l’héritier dans la parentèle élargie (un oncle, un cousin, un frère…).
Cela permet de choisir le meilleur membre de la famille.
Ce système évolue au Xe siècle :
Le roi n’intervient plus dans le choix de son successeur.
Il se contente d’accepter l’héritier, souvent l’aîné.
Situation en 987 :
Louis V meurt sans enfant.
Le parent le plus proche est Charles, duc de Basse-Lorraine.
Mais c’est l’ennemi d’Adalbéron, donc ce dernier refuse cette solution.
Il ajoute alors une autre condition au choix du roi → les qualités personnelles.
C. L’ÉLECTION DU MEILLEUR : UNE CONDITION NÉCESSAIRE (bam)
Pour Adalbéron, la naissance ne suffit pas.
Le roi doit posséder certaines qualités :
sagesse, honneur, noblesse, générosité, sens de la justice.
Charles n’a pas ces qualités, notamment la force.
Reconnaissance publique de ces qualités :
Le roi doit être reconnu par les Grands comme le meilleur.
Adalbéron insiste sur le principe d’élection → idée défendue par les hommes d’Église.
Il valorise l’acclamation, perçue comme signe de la volonté divine.
L’hérédité ne suffit pas :
Elle a parfois donné de mauvais rois, comme Charles le Chauve, qui finit en prison après une révolte en 923.
En 987 : compromis idéologique nécessaire :
Hérédité + élection doivent être réunies.
Il faut du sang royal et des qualités personnelles (virtus).
Ces éléments ne sont pas totalement intégrés dans les mentalités → Adalbéron doit les défendre par un discours construit.
Il s’oppose à un courant légitimiste carolingien encore très fort (Louis IV d’Outre-mer, Lothaire, Louis V).
La dynastie carolingienne est encore puissante, même si quelques Robertiens ont brièvement régné.
II. LA GLOIRE DE HUGUES CAPET
A. L’INDIGNITÉ DE CHARLES, LE CONCURRENT DE HUGUES CAPET
Comportement et trahison
Une naissance trahie par le comportement
Charles devrait obtenir la royauté par sa naissance.
Mais Adalbéron retourne l’argument : Charles abolit cette bonne naissance par son comportement.
Il n’a pas d’honneur, n’est pas loyal, est parjure.
La parole est un élément-clé dans la société du Xe siècle → accusation très grave.
Un homme instable politiquement
Charles possède un territoire en zone frontière entre Francie occidentale et royaume ottonien.
Change de camp fréquemment :
978 : allié des Ottoniens, tente de s’emparer de la couronne avec Otton II.
Otton II envahit, incendie Laon et Reims, fait fuir Lothaire.
Couronne Charles… qui rentre bredouille quand Lothaire reprend le dessus.
985 : au contraire, Charles combat aux côtés de Lothaire contre les Ottoniens → pillage de Metz, prisonnier = frère d’Adalbéron.
Une fidélité douteuse, une critique ambivalente
Adalbéron affirme que Charles sert un roi étranger sans honte.
Mais cette critique est biaisée :
Charles agit dans le cadre de sa fidélité au roi de Germanie → a prêté serment.
Adalbéron lui-même est partisan des Ottoniens.
Un mariage jugé indigne
Mariage hypogamique avec Adélaïde (origine obscure), fille d’un vassal de Hugues Capet.
Ce mariage ternit son rang :
Hugues ne pourrait pas reconnaître une reine inférieure dans la hiérarchie.
Famille d’Adélaïde intégrée au réseau de vassalité capétien.
Évolution des mentalités :
Début Xe : ce type de mariage n’est pas un problème.
Fin Xe : l’union doit être stratégique, entre niveaux sociaux équivalents.
Fils de roi ne peut plus épouser une fille d’un simple aristocrate.
B. LA GRANDEUR DU DUC
Légitimité et pouvoir
Une légitimité dynastique puissante
Hugues = seul candidat possible au trône selon Adalbéron.
Seul lignage déjà royal existant en Francie occidentale :
Père = fils de roi (Robert)
Oncle = roi (Eudes)
Un pouvoir étendu et prestigieux
Famille des Robertiens : l’une des plus puissantes de Francie occidentale.
Hugues Capet = duc des Francs, possède plusieurs comtés et des abbayes laïques (ex. : Saint-Martin-de-Tours).
Possède la relique de la chape de Saint Martin → d’où le nom “Capet” (de capa).
Robertiens et territoire
Une implantation territoriale stratégique
Robertiens présents dans régions à fort ancrage carolingien → confrontation directe.
Possèdent un vaste réseau familial et de fidélité :
Frère Henri = duc de Bourgogne
Épouse Adélaïde = sœur du duc d’Aquitaine (Guillaume Fier-à-Bras)
Sœur mariée au duc de Normandie Richard Ier
Une fragilité relative
Point noir : les vassaux des Robertiens ont tendance à s’émanciper.
Les Robertiens se concentrent sur leur propre domaine à cause de ces tensions internes.
C. UN CONTEXTE PLUS FAVORABLE AUX ROBERTIENS
Rivalités et affaiblissement
Une rivalité ancienne avec les Carolingiens
Louis IV (936) devient roi grâce au soutien d’Hugues le Grand.
Ce soutien est monnayé chèrement.
Louis IV, Lothaire et Louis V : dépendants des Robertiens mais cherchent à les affaiblir.
Rivalité persistante dans la région parisienne.
Un affaiblissement progressif des Carolingiens
Ambitions carolingiennes en Lotharingie :
Epuisent ressources, réseaux et autorité.
Perdent le soutien d’une partie de l’aristocratie.
Basculement et stratégie germanique
Un basculement des soutiens vers Hugues Capet
Rois Ottoniens (empire) se rapprochent progressivement des Robertiens.
Aristocrates de Francie occidentale se rapprochent du duc Hugues Capet.
Les nobles de Lotharingie sont fatigués de l’interventionnisme carolingien.
Choix stratégique pour les Ottoniens
Si Charles devient roi → dangereux pour Otton III :
Charles = vassal du roi de Germanie
A un réseau en Basse-Lotharingie
Carolingien, peut revendiquer Aix-la-Chapelle → légitimité impériale
Si Hugues Capet → pas de risque :
Indifférent à la Lotharingie
Occupe par ses problèmes internes
III. LE SERVICE DE L’ÉTAT ET LA DÉFENSE DES INTÉRÊTS PARTICULIERS
A. LE BONHEUR DE L’ÉTAT
Hugues Capet comme garant de l’intérêt public
Une époque marquée par la fragmentation
Xe siècle = fragmentation du pouvoir, naissance des principautés territoriales.
Recrudescence des intérêts privés → affaiblissement de l’autorité royale.
Malgré tout, l’intérêt public subsiste, comme on le voit dans le texte d’Adalbéron.
Une rhétorique religieuse contre Charles
Vocabulaire très manichéen : bonheur / malheur, prospérité / ruine.
Vocabulaire probablement pas directement d’Adalbéron (transcription + style des chroniqueurs religieux).
Objectif : décrédibiliser Charles comme source de désordre.
Un roi garant de l’équilibre public/privé
Confusion public/privé dans la royauté du Xe siècle.
Un bon roi = garant de l’équilibre entre autorité royale et pouvoirs aristocratiques.
Roi attendu comme neutre et non-interventionniste dans les grandes principautés.
Fin Xe : les Grands considèrent leur patrimoine comme un droit héréditaire.
B. LA RICHESSE ET LE RÉSEAU DU DUC
Fondement de la stabilité
La puissance matérielle de Hugues
Adalbéron insiste sur la richesse et la puissance du duc.
Tous les grands ne sont pas présents à l’assemblée → concerne surtout les aristocrates au nord de la Loire.
Pour eux, Hugues est l’évidence : seigneur le plus puissant localement.
Attend de lui paix, équilibre, concorde → royauté comme charge de prestige.
Un appui déterminant de l’Église
Relations étroites avec l’Église : avantage majeur des Robertiens.
Soutiens clés :
Adalbéron de Reims
Gerbert d’Aurillac (futur pape Sylvestre II)
Appui du pape lui-même.
Ces figures sont des nostalgiques de l’empire carolingien et soutiennent une renovatio imperii.
Leur appui à Hugues = soutien indirect à Otton III, sans concurrence carolingienne.
C. L’ÉLECTION DE HUGUES CAPET
L’accession au trône
Hugues est élu, élevé sur le trône (pratique traditionnelle).
Couronnement en juin 987 à Noyon, puis sacre à Reims en août 987.
Reçoit reconnaissance de plusieurs peuples, y compris ceux de la marche d’Espagne (les Catalans).
Toutefois, les Catalans ne le reconnaîtront jamais vraiment.
Hugues devient roi d’un royaume très fragmenté, actif surtout dans son propre domaine.
Une opposition rapidement neutralisée
Charles de Basse-Lorraine refuse l’élection, mène plusieurs attaques.
990-991 : prend Reims et Laon, mais est trahi et emprisonné à Laon par Adalbéron de Laon.
Charles meurt en prison → plus d’opposition sérieuse.
Hugues fait couronner son fils très rapidement → stratégie de continuité dynastique.
CONCLUSION (bam)
Une vision historiographique révisée
Longtemps vus comme faibles, les premiers Capétiens sont aujourd’hui reconsidérés.
Hugues récupère les domaines carolingiens (Reims, Laon…)
Augmentation de son pouvoir, richesse, autorité.
Tête d’un réseau ecclésiastique très puissant → base solide de sa légitimité.
Une rupture toute relative
Hugues n’a aucune ambition impériale, aucune revendication sur la Germanie.
Les Ottoniens cessent d’intervenir → séparation claire des deux royaumes.
Hugues et ses successeurs se concentrent sur leur royaume, étendent progressivement leur domaine.
987 : une date symbolique plus qu’une vraie rupture
Hugues Capet n’est pas le premier non-Carolingien à régner :
Eudes, Robert et Raoul ont précédé, même si Raoul n’est pas un vrai Robertien (seulement par alliance).
987 marque la fin de la dynastie carolingienne → passage symbolique à une nouvelle ère.
Entrée dans la féodalité, sortie du Haut Moyen Âge.