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INTRODUCTION
Définition de la socialisation politique
Socialisation politique = processus par lequel les individus intériorisent des normes, valeurs, représentations et pratiques politiques.
Deux fonctions majeures :
Former : via la socialisation primaire (enfance) → famille, école, premiers groupes
Transformer : via la socialisation secondaire (âge adulte) → collègues, amis, conjoint·e, événements politiques, médias…
Ce qu’on intériorise :
Attitudes électorales (vote, abstention, partis…)
Repères symboliques (gauche/droite)
Rapports aux grandes questions sociales : inégalités, genre, race, écologie…
Systèmes de valeurs (autorité, solidarité, liberté, etc.)
I. SOCIALISATION POLITIQUE ENFANTINE
A. TRAVAUX FONDATEURS
Les principes de base
Où et quand ? US 1950s
2 grands principes :
Primary principle : ce qui est appris en premier (enfance) marque durablement
Structural principle : ce qui est appris jeune structure durablement les perceptions (parce que chargé d’affect)
Constat :
L’enfance préfigure le monde politique adulte : les enfants ont un regard politique, même s’il est nourri par les émotions et les affects.
Une conception institutionnelle du politique chez l’enfant
Enfants perçoivent autorités politiques très tôt (surtout Président aux US, policier, etc.)
Ce sont des figures idéalisées et bienveillantes
Attitude légitimiste : enfants obéissent car (étapes successives)
Peur de la sanction
Recherche d’ordre
Adhésion à des principes moraux
Cette perception change avec l’âge : devient plus critique
MAIS ce modèle dépend des contextes culturels
US : forte idéalisation // FR : + de distance dès l’enfance
La famille comme 1ère instance de socialisation politique
Tout ⭣ selon Annick Percheron (historienne sociologue FR)
Transmission ++ si :
Parents intéressés par la politique
Parents sont du même bord politique
Parents sont situés à un extrême (Gauche/Droite)
À nuancer :
Modèle US : Les enfants sont des pâtes à modeler
Selon Percheron : Même quand politisés, ils peuvent prendre du recul et s’écarter des idées parentales (ils ont un univers politique à eux)
Vocabulaire politique acquis vers 12 ans
Types de filiation politique avec parents
Trois types de filiation politique :
Concordance : enfant garde les opinions de ses parents (fréquent entre 18-24 ans)
Rupture : passage d’un bord à l’autre
Décrochage : enfant ne s’identifie ni à gauche ni à droite
B. CRITIQUE DES TRAVAUX FONDATEURS
Contexte historique biaisé
Recherches de 1950s-60s menées pendant une période de grande stabilité politique (USA d'après-guerre)
Or, événements comme :
Mai 68
Guerre du Viêt Nam
Watergate
→ ont montré que la socialisation primaire ne suffit pas à stabiliser durablement les orientations politiques
Ce n’est pas parce qu’on a été “bien socialisé” dans l’enfance qu’on reste toujours fidèle à ces apprentissages.
Biais de classe et d’ethnie
Les enfants légitimistes décrits dans les études = surtout blancs, urbains, classe moyenne
Ne reflète pas la diversité des expériences :
Enfants afro-américains ou hispaniques aux US → rapport méfiant vis-à-vis du président, de la police
Expériences sociales différentes ≠ mêmes représentations du pouvoir
⇒ Critique d’un regard trop homogène sur l’enfance
Réduire l’enfant à la psychologie ?
Vision des enfants trop psychologisante :
Enfants vus comme uniquement marqués par leurs traumatismes de violence (enfants grandis pdt crise/guerre)
Exemple : enfants-soldats (Afrique australe)
Alcinda Honwana (anthropologue Mozambique) : enfants-soldats = pas seulement des victimes passives
Ont eu des tactiques d’adaptation, de survie
Après la guerre, resocialisation passe par des pratiques de réparation sociale (rites, médiation…)
Transmission familiale +forte dans certains contextes
Si la famille a été persécutée, alors la transmission politique est plus forte :
Ex : Tatars (musulmans) de Crimée accusés par URSS de collaborer avec IIIe Reich, déportés par l’URSS en 1944 → Leurs descendants aujourd’hui sont majoritairement opposés au régime russe
Mémoire collective + traumatisme familial ⭢ renforce la socialisation politique sur plusieurs générations
C. NOUVELLES DYNAMIQUES DE RECHERCHE
Les inégalités sociales s’expriment dès l’enfance
Les enfants sont conscients très tôt des hiérarchies sociales :
Connaissent la “valeur” des métiers
Peuvent situer la position sociale de leur propre famille
Genre :
Les filles se sentent -compétentes que les garçons en politique
Moins d’ambition ou d’intérêt → construction genrée des compétences politiques
“Recyclage” des normes sociales dans la perception du politique
Wilfried Lignier & Julie Pagis (sociologues) :
Les enfants jugent les figures politiques en rattachant leurs attitudes à normes sociales et esthétiques (méchant, moche, gentil)
Socialisation raciale
Née aux US
Processus par lequel les enfants afro-américains :
Intériorisent la racialisation imposée par la société blanche
Reçoivent une socialisation spécifique (par les parents, la communauté) pour :
Se défendre ou riposter au racisme
Adopter des stratégies (respectabilité, conflictualité)
Construire une conscience de groupe
⭢ Socialisation défensive, offensive et identitaire
Cathy Cohen (politologue féministe US)
Étudie la vulnérabilité des Afro-Américains et les divisions internes
Montre que le SIDA a brisé l’idée d’un “destin lié” qui lie les afro-américains autour d’une identité commune ⭢ crée marginalisation.
Politisation passe aussi par :
Sexualité
Culture musicale
Conformité aux normes morales internes à la communauté (car différences très désapprouvées)
Famille : rôles renouvelés et évolutifs
Anciennes recherches : père = principal agent politique
En cas d’absence → enfants seraient “retardés” politiquement
Recherches actuelles : rôle de la mère souvent plus influent
Plus présente dans l’éducation
Mais souvent moins intéressée par la politique → Transmet une vision plus distante du politique
Famille ≠ traditionnelle
Diversité croissante : familles monoparentales, recomposées, homoparentales
Chaque configuration influence différemment la transmission politique
Politisation ascendante : les enfants influencent aussi les parents
Nouvelle idée importante : socialisation politique bidirectionnelle
Enfants peuvent sensibiliser ou politiser leurs parents
⇒ La politique circule dans les deux sens
II. SOCIALISATION POLITIQUE JUVÉNILE ET EFFETS GÉNÉRATIONNELS
Instances de socialisation politique au-delà de la famille
Socialisation juvénile = processus de politisation à travers :
École
Université
Pairs / amis
Médias
Elle s’intensifie avec le renouvellement générationnel : nouvelles générations confrontées à d’autres repères, d’autres enjeux, d’autres canaux d’info
A. SOCIALISATION PAR L’INSTITUTION SCOLAIRE ET UNIVERSITAIRE ET AU-DELÀ
L’école
Effet politique +fort chez les jeunes défavorisés que les favorisés
Ce qui compte + que le programme = les pratiques pédagogiques :
Climat de classe
Discussions ouvertes et participatives
Sentiment d’écoute
Ex : des lycéens peuvent être peu instruits politiquement mais fortement politisés
Etude de 2010 (comparative internationale)
Manuels scolaires et mémoire collective
Manuels scolaires = outils idéologiques de socialisation :
FR (fin XIXe) : opposition entre manuels républicains individualistes et manuels catholiques
CH : manuels confucianistes effacent les minorités pour insister sur les Han → justifie l’unification nationale (Taïwan, Hong Kong)
Sociologie de la mémoire : ce qu’on apprend du passé façonne la conscience politique
Ce qu’on célèbre ou oublie (commémorations, récits nationaux…)
Ex : ALL 1970s ⭢ “pédagogie du bouleversement affectif” :
Objectif : susciter empathie envers les victimes du nazisme
Méthode : mobiliser documents visuels pour provoquer émotion et réflexion
L’université : une instance majeure de socialisation secondaire
Étudiants prennent distance avec leur famille
Effet “filière” : sciences sociales = plus forte politisation
MAIS :
L’université ne remplace pas la famille
Elle renforce souvent des socialisations politiques déjà amorcées à la maison
B. EFFETS DE COHORTE ET DE GÉNÉRATION
Définition et distinction
Cohorte = groupe d’individus nés à la même période, ayant traversé les mêmes événements historiques.
Effet de génération = quand des différences entre cohortes persistent dans le temps, on parle de phénomène générationnel.
Clé de lecture : l’effet générationnel ne dépend pas seulement de l’âge, mais de l’expérience historique vécue au moment de la jeunesse (période la +influençable politiquement).
Approches classiques
Karl Mannheim (sociologue HG)
Génération politique = individus ayant vécu un même événement structurant dans leur jeunesse qui crée une “unité générationnelle” (groupe soudé par une mémoire commune).
Ex :
Mai 68 : scission entre “soixante-huitards” et “anti-soixante-huitards”
2002, Le Pen au second tour : choc politique marquant une cohorte
Microcohortes = variations fines dans une même grande génération (ex : Guerre d’Algérie ≠ Mai 68, même si proches)
Evolution des valeurs : la “révolution silencieuse”
Ronald Inglehart (politiste US)
Thèse : passage des valeurs matérialistes (sécurité, emploi, croissance) vers des valeurs postmatérialistes (écologie, épanouissement personnel, diversité, identité) à partir des 1970s.
Facteurs explicatifs :
Prospérité économique durable (30G) ⭢ les besoins de base sont satisfaits.
Renouvellement générationnel : new générations socialisées dans un contexte d’abondance
Paix en EU OCC : ↘ du sentiment d’insécurité
Évolution culturelle générale : société +individualiste, critique, réflexive.
Manifestations concrètes
Attentes nouvelles dans le travail : quête de sens, flexibilité, équilibre vie perso/pro
Attitude envers les autorités : rejet de la déférence, valorisation de la participation démocratique
Evolution des normes sur la sexualité, la famille, les rôles genrés
Centralité des enjeux environnementaux et identitaires
MAIS thèse critique car pas si linéaire, et pas valable partout
Montée des nationalismes, populismes, crispations identitaires : → Interprétée par Inglehart comme réaction défensive de certaines couches sociales face à la perte de repères traditionnels et à l’insécurité (éco, migratoire, culturelle)
Cas français : complexités générationnelles
Vincent Tiberj (sociologue FR)
Effets de composition des nouvelles générations :
+ diplômées
- religieuses
+ diverses ethniquement
+ confrontées à la précarité et au déclassement
Vieillissement = légère droitisation avec l’âge, mais :
Effet générationnel > effet âge
Variables socio-économiques toujours importantes dans le vote (ex : précarité, chômage, inégalités)
III. SOCIALISATION POLITIQUE AU COURS DE LA VIE
Socialisation politique = pas que enfance et jeunesse ⭢ socialisation secondaire
Mais socialisation secondaire renforce bcp opinions héritées de socialisation politique primaire
A. SOCIALISATION POLITIQUE SECONDAIRE : RENFORCEMENT ET TRANSFORMATION
Instances
Famille, couple, amis, collègues
Contexte conjugal : personnes en couple souvent plus à gauche → corrélation ou causalité ?
Ex : divorce → chez les femmes, rapport transformé à l’État via l’expérience judiciaire.
Profession : influence sur les opinions politiques
Ex : ingénieurs suisses = attirés par programmes techno-scientifiques.
Travail : principal lieu de rencontre avec des gens d’opinions différentes → donc, souvent moins de discussions politiques, par souci d’éviter les tensions.
Discussion politique et démocratie
Débat entre deux politologues US
Paradoxe : démocratie participative ≠ démocratie délibérative ⭢ difficile de les concilier
Socialisation et mobilité
Immigration : réapprentissage politique dans un nouvel environnement → acquisition de nouveaux droits, légitimité à s’exprimer politiquement, etc.
Mobilité sociale : mécanismes d’adaptation / transformation
Habitus clivé (Bourdieu) = tension entre socialisation initiale et nouvelles positions sociales.
Habitus = système cohérent, permanent et transposable de dispositions à juger, apprécier, se comporter et qui découle d’un processus d’intériorisation largement inconsciente à travers le langage et le corps
Bernard Lahire (sociologue FR) conteste l’idée d’un habitus cohérent → chaque individu est composé de dispositions plurielles selon contextes (feuille de papier froissé)
Cas de resocialisations marquantes
Michael Pollak (historien AUT) : déportation dans camp de concentration
Adaptation à un environnement extrême ⭢ réinvention du rapport au monde, à soi, et aux autres
B. EFFETS SOCIALISATEURS DE LA POLITIQUE
Politique comme expérience transformatrice
S’engager en politique = entrer dans un monde social à part entière → transforme durablement les trajectoires personnelles, surtout si engagement précoce (jeunesse).
Effets socialisateurs puissants : forment un rapport spécifique au politique, aux institutions, à la société.
Exemple clé : Doug McAdam (sociologue US) → étude sur les militants du Freedom Summer (1964)
Lutte pour l'inscription électorale des Afro-Américains dans le Sud
Ceux exposés à la répression violente (KKK, police) ont ensuite :
Développé des opinions plus radicales
Fait carrière dans le secteur social, le féminisme, l’écologie, etc.
Restés engagés durablement → effet générationnel fort
La professionnalisation politique
De plus en plus de carrières politiques (élus, collaborateurs, attachés parlementaires…)
Renforcée par la décentralisation en France → plus de postes rémunérés (communes, régions…)
Cela produit une socialisation institutionnelle :
Adoption de codes, pratiques, postures politiques spécifiques
Uniformisation comportementale des élus, quel que soit leur bord
Ex : tout député apprend à fonctionner dans les règles du jeu parlementaire
⇒ La politique devient un métier ⭢ comme tout milieu professionnel, elle façonne ses acteurs par conformisme aux normes du champ politique
AJOUTS DU TD
Diana Mutz, Hearing the Other side (politologue US)
Démocratie délibérative
Elle repose sur un groupe hétérogène de discussion : les individus sont issus de réseaux politiques diversifiés, ce qui permet une exposition croisée des opinions (cross-cutting exposure).
S’inscrit dans la pensée de Habermas, qui théorise une situation idéale de discussion où les échanges sont rationnels, libres et égalitaires.
Rejoint également les idées de John Stuart Mill sur la sphère publique comme espace de confrontation des idées pour progresser collectivement.
Fait écho à Hannah Arendt, qui valorise une mentalité élargie, capable d’intégrer différents points de vue.
Pose la question empirique de “hearing the other side” : entendre l’autre camp a-t-il des effets démocratiques réels et mesurables ?
Participation politique
Se caractérise souvent par une aversion pour les conflits et un manque d’intérêt pour le débat politique rationnel.
Prend plutôt la forme d’un activisme politique ou d’une action collective, qui se développe généralement dans un groupe homogène partageant les mêmes opinions ou intérêts.
Ideal speech situation de Habermas
Critères
Transparence
Inclusion
Egalité
Pluralisme
Neutralité
Respect de la parole
Comportementalisme politique : l’approche cognitive du jugement politique
Auteurs : Taber, Cann, Kucsova, “The Motivated Processing of Political Arguments”
Idées clés :
Les croyances préalables influencent la réception de toute information nouvelle.
Ex : conservateurs regardent Fox News / progressistes évitent certains médias.
Biais de confirmation : survalorisation de ce qui confirme nos opinions.
Biais de disconfirmation : dépenses cognitives à attaquer ce qui contredit nos croyances.
Même exposition à une même info = polarisation accrue, car intériorisation différente selon les croyances initiales.
Ces biais dépendent de :
Intensité des croyances déjà acquises
Type de socialisation politique (famille, école, milieu, médias…)
Implications :
La démocratie délibérative peut se heurter à des limites cognitives fortes
Importance de l’éducation à l’esprit critique, aux médias, à la diversité des sources
Numérique et démocratie : entre espoir participatif et menace informationnelle
Cas emblématique : Cambridge Analytica
Ciblage de profils électoraux vulnérables à la manipulation → exploitation algorithmique de biais cognitifs
Perturbation de processus démocratiques (ex : Brexit, élection Trump LA GROSSE SALOPE 2016)
Conséquences :
Législation européenne (DSA, DMA) pour réguler plateformes, protéger données, limiter manipulation
Besoin d’encadrer le rôle des algorithmes, renforcer la transparence des campagnes politiques numériques