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Objectifs
Compréhension de l’approche
L’objectif est de faire l’histoire de l’État-nation.
Le cours n’a pas pour but de dire que l’État-nation est la forme idéale ou obligatoire de l’État.
Définition et intérêt de l’Etat-nation
Définition générale
L’État-nation est une forme spécifique d’État apparue en Europe au XIXe siècle.
Son émergence est le résultat de circonstances particulières (historiques, sociales, politiques).
Pourquoi l’étudier ?
Parce que c’est devenu le modèle universel adopté par presque tous les États aujourd’hui.
Même les régimes autoritaires se réclament du modèle de l’État-nation.
Un concept « monstrueux »
À l’origine, c’est un concept ancré dans un contexte précis (l’Europe).
Mais il s’est ensuite étendu partout.
Question ouverte : est-ce inévitable que tous les pays deviennent des États-nations ? (ex. : la Chine ne l’a pas fait).
Contexte d’émergence
Pour comprendre l’arrivée de l’État-nation, il faut tenir compte de plusieurs facteurs :
Colonisation
Impérialisme
Exemple actuel : la Palestine revendique encore la formation d’un État-nation.
Caractéristiques de l’Etat-nation
Autorité coercitive et légitimité
Nécessite l’existence d’un État doté d’une violence physique légitime (selon Weber).
Processus de sécularisation : autonomisation de la politique vis-à-vis de la religion et des autres affiliations sociales.
L’État devient une autorité au-dessus de la mêlée, contrairement aux États prédateurs ou capteurs du passé (incarnés par le roi et fortement liés à la religion).
Bureaucratisation
Développement d’une bureaucratie rationnelle-légale :
Des règlements et des procédures écrites appliqués par les fonctionnaires.
Domaines gérés par l’État :
Éducation
Service militaire
Économie : à la fois autonome (marché) et centrale (redistribution par l’État).
Territorialisation
L’État-nation se caractérise par des frontières précises, ce qui était inédit lors de son apparition.
Nation et légitimité
Une nation est un peuple qui se reconnaît comme formant un groupe commun, fondé sur une histoire partagée.
La légitimité de l’État-nation peut prendre différentes formes :
Démocratique (souveraineté populaire).
Mais aussi autoritaire : ex. la Corée du Nord est un État-nation.
Diversité des modèles
La définition de l’État-nation ne correspond pas toujours au processus réel de formation.
Il existe plusieurs combinaisons :
Nations avant l’État : ex. Allemagne.
État avant la Nation : ex. France (forte féodalisation → nécessité d’un pouvoir absolu).
Études : plus on est éloigné de Rome, plus il est facile de former un État-nation.
Cas de la France : éloignée mais pas autant que l’Angleterre.
État-nation en Angleterre : s’affirme tôt grâce à son insularité et son éloignement de Rome.
État sans Nation : Autriche-Hongrie, Espagne (avant).
Nations sans État : Québec, Catalogne, Pays Basque.
État avec plusieurs nations : Royaume-Uni (État pluriethnique).
Cas particulier : Italie, où la formation de l’État-nation est lente et tardive.
Qui décide qu’il y a une nation ?
Question fondamentale
Qui décide qu’il existe une nation ?
À partir de quand peut-on dire qu’une nation est reconnue ?
Exemple : le Québec, qui a mis des siècles à obtenir une reconnaissance partielle.
Citation de Stewart Chamberlain, le gendre de Wagner et ami d’Hitler
« Ce qui importe, ce n’est pas que nous soyons Aryens, c’est que nous devenions Aryens ».
Application : l’important pour l’État-nation n’est pas l’existence préalable d’une nation, mais la construction d’un imaginaire collectif.
L’Etat-nation et son environnement
Autonomie et interactions
L’État-nation prétend à une autonomie vis-à-vis :
du social (créer un peuple homogène),
de l’économie (conception libérale → économie indépendante de l’État),
du religieux.
Mais en réalité, il existe toujours un mélange et des interférences entre ces sphères.
Triangulation des processus
La création des États-nations repose sur une triangulation entre trois éléments :
Ils peuvent aller de pair, être contradictoires ou alterner.
Contrairement à une vision « isolée », l’État-nation dépend de nombreux facteurs mondiaux :
Économie, finance, science, technologie, culture, religion.
L’État-nation n’est donc pas un phénomène autonome, mais lié à l’intégration mondiale.
Paradoxe
L’État-nation affirme un repli sur ses frontières.
Mais il peut aussi s’étendre via :
les échanges économiques,
les circuits technologiques.
Conséquences contemporaines
Universalisation et résistances
L’État-nation s’est universalisé comme principe de souveraineté et d’organisation politique.
Il résiste à la mondialisation et à la marchandisation du globe, tout en pouvant parfois les instrumentaliser.
Identitarisme et particularismes
On observe une expansion des revendications identitaires et particularistes, à base ethnique ou religieuse.
Chaque formation d’État-nation repose sur l’idée d’un ciment commun :
une ethnie,
une religion,
ou une autre forme d’identité partagée.
Triangulation et expansion de l’Etat-nation
Le rôle de la triangulation
La triangulation (entre intégration mondiale, particularismes, et principe d’État-nation) joue aussi un rôle dans son expansion.
Exemple : le christianisme au XXe siècle.
Forte intégration du monde (colonisation, échanges).
Importance du principe d’État-nation (ex. : France protectrice du catholicisme).
Existence d’un particularisme religieux (catholicisme).
Ici, le catholicisme sert l’État-nation (outil de rayonnement international), mais l’État-nation sert aussi le catholicisme (conversion au service de la France).
L’Etat-nation comme expérience historique
Contre la naturalisation
L’État-nation n’est pas une identité abstraite ou une institution magique.
C’est une construction historique.
La guerre joue un rôle central : (Tilly)
La guerre fait l’État.
L’État fait la guerre.
Exemple de bureaucratie sans État-nation
On peut avoir un État bureaucratisé sans État-nation.
Exemple : la Chine, car :
Ses frontières sont floues.
Le concept de nation n’existe pas dans la tradition chinoise.
L’Etat-nation comme concept idéologique et imaginaire
L’État-nation repose sur des abstractions et des imaginaires :
Peuple et nation : souvent définis sur un mode ethno-religieux, en contradiction avec la sécularisation.
Frontières : avant, les empires n’avaient pas de frontières précises.
Exemples : Empire chinois, Empire romain, Afrique précoloniale.
La souveraineté territoriale est reconnue avec le traité de Westphalie (1648), mais sans frontières parfaitement claires.
Raison d’État : l’État peut agir contre son peuple pour assurer sa survie.
Ex : Iran menant la guerre contre d’autres pays musulmans malgré une identité religieuse partagée.
Imaginaire du droit : reconnaissance de la justice humaine, difficile à accepter pour des croyants.
Imaginaire de la bureaucratie : l’impôt, la comptabilité, les statistiques.
Imaginaire du territoire : sédentarisation pour fiscalité.
Imaginaire du marché : l’État organise le marché, fixe ses règles, et le met au service des entreprises.
Imaginaire du citoyen : suppose une égalité fictive entre gouvernants et gouvernés.
L’Etat-nation dans un système d’Etats
Construction collective
L’État-nation ne se construit pas seul, mais dans un groupe d’États-nations.
Importance de la promiscuité en Europe (rivalités, voisinages).
Exemple : l’État-nation français entraîne ensuite l’émergence d’États-nations en Italie, en Allemagne.
Efficacité de l’État-nation : nécessité d’en construire un pour ne pas être absorbé.
Reconnaissance mutuelle
Traité de Westphalie (1648) :
Les États se reconnaissent comme égaux et souverains sur leur territoire.
Naissance d’un principe de non-ingérence.
Groupes d’États-nations
Les États-nations se regroupent en alliances ou blocs :
Komintern, Axe/Alliés, Triple Entente/Triple Alliance, Union européenne, OTAN.
Paires maudites et oppositions
Certains États-nations se construisent par opposition à un autre :
France vs Royaume-Uni
France vs Allemagne
Japon vs Chine
Iran vs Arabie Saoudite
Algérie vs Maroc
Corée du Nord vs Corée du Sud
Exemple : la Corée du Sud n’existerait pas comme État-nation sans l’existence de la Corée du Nord.
L’Etat-nation face aux identités sociales et économiques
Opposition aux identités non politiques
L’État-nation s’est construit en opposition à d’autres formes d’identités :
Classes sociales (qui fragmentent le peuple).
Solidarités claniques ou familiales.
Religions (ex. : en France, opposition à la religion pour homogénéiser le peuple).
Mafias.
Contradictions avec l’économie et la migration
Espoir initial : sédentariser les populations pour ancrer l’État-nation.
Réalité actuelle : l’économie produit des migrations massives.
Ex. : en 10 ans, 400 millions de Chinois ont migré vers les villes pour travailler.
Ces mouvements contredisent l’idée d’un peuple stable et homogène.
Points de résistance et appuis à l’Etat-nation
Résistances
Les identités sociales, claniques ou religieuses sont des points de résistance au modèle de l’État-nation.
Appuis inattendus
Mais elles peuvent aussi être des ressources pour construire l’État-nation :
Classes moyennes : rôle central dans l’émergence d’États-nations en Europe de l’Est.
Religions : ex. le judaïsme a permis la création de l’État d’Israël.
Parenté politique : l’État-nation a produit des dynasties politiques fictives (postes transmis dans les familles).
Familles puissantes : contrôle de pans entiers de l’État (ex. Chine, France, États-Unis).
Sociétés secrètes et mafias : parfois intégrées dans la construction de l’État-nation (ex. Italie).
État et marché
Dans le cadre du libéralisme, marché et État coexistent et coopèrent.
Exemples : Chine, France.
Le ressort de l’Etat-nation en France
Identité française et histoire
Être français découle à la fois :
de l’histoire récente (vagues d’immigration),
de l’histoire longue, notamment la Révolution française.
Principes fondateurs
L’État-nation français repose sur des principes universalistes : liberté, égalité, fraternité.
Différence avec les États-Unis, où la nation se définit comme un peuple élu par Dieu.
En France, il ne s’agit pas d’une définition ethno-linguistico-religieuse.
Est Français toute personne qui adhère aux valeurs universalistes.
Références à l’identité française
On invoque des figures symboliques (ex. Jeanne d’Arc).
On se réfère à une histoire commune.
Ambiguïté contemporaine
Ambiguïté entre principes universalistes et réalités sociales :
Certaines personnes se sentent françaises, mais ne sont pas reconnues comme telles par une partie de la société (ex. immigrés selon l’extrême droite).
Contradiction entre l’idéal universaliste et les exclusions identitaires.
Le cas de la Suisse
Arguments contre l’État-nation
4 langues, différentes ethnies, religions et cultures.
État fédéral peu puissant, forte autonomie des cantons.
Arguments pour l’État-nation
Existence d’un héros national.
Une conscience nationale affirmée (ex. pendant la 2de Guerre mondiale).
Décisions politiques centrales au XIXe siècle.
Le cas de la Chine
Le mythe de la Chine inventrice de l’État-nation
Certains intellectuels (ex. Zhang Weiwei) affirment que la Chine est une civilisation continue de 5000 ans, donc une nation-État ancienne.
En réalité : la Chine n’était pas un État-nation.
Organisation politique depuis le XVIIe siècle
Un État puissant, basé sur la compétence et la redistribution.
Bureaucratie organisée, territoire étendu, population « chinoise ».
Admiration des Jésuites qui voulaient importer ce modèle en France.
Limites au modèle d’État-nation
À la tête de l’État : les Mandchous, étrangers qui n’ont pas modifié structures sociales ou religieuses.
Pas de frontières claires : relations tributaires avec les États voisins → souveraineté floue.
Pas de nom unique : le pays était désigné par le nom des dynasties → nécessité ultérieure d’inventer un drapeau, un nom.
Pas de reconnaissance des autres nations : mépris pour les entités extérieures.
Pas de communauté nationale homogène : diversité de langues, coutumes, religions.
Identité nationale acquise principalement par la guerre.
Caractéristiques concrètes de l’Etat chinois
État puissant en apparence mais peu présent dans la vie quotidienne.
Pouvoir réel souvent exercé par l’élite locale (gentry, paysans riches, cultivés).
Bureaucratie limitée : 1 fonctionnaire pour 50 000 habitants.
L’État prend en charge :
réserves alimentaires pour catastrophes,
grands systèmes d’irrigation,
justice et maintien de l’ordre.
Un État minimum, malgré son prestige.
L’Etat-nation hors Occident
Pas de rejet du modèle
Contrairement à certaines thèses anciennes, les pays hors Occident n’ont pas rejeté le modèle d’État-nation.
Au contraire, il a été approprié par les élites.
Modèle conservateur
Appropriation de l’État-nation par les élites pour se maintenir au pouvoir.
Exemples :
Unité italienne ou réunification allemande : trompe-l’œil, mêmes élites au pouvoir.
Maroc et Taïwan : élites ont utilisé l’EN pour consolider leur pouvoir.
À Taïwan : un modèle d’État-nation est créé par le chef vaincu par Mao, basé sur le confucianisme, alors qu’il y était opposé auparavant.
Modèle révolutionnaire
Tentative par des élites occidentalisées de créer un EN.
Échec systématique : seul le modèle conservateur a réellement produit des États-nations.
Hybridation
Les sociétés non occidentales ont utilisé l’EN comme ressource, en reprenant parfois les structures coloniales.
Ni victimes passives, ni acteurs totalement autonomes : hybridation du modèle.
Le cas du Japon : contexte global
Premier État-nation non occidental
Le Japon devient un État-nation moderne à partir de la Révolution Meiji (1868).
Objectif : éviter le sort de la Chine, affaiblie par les interventions étrangères.
Le Japon devient une puissance régionale après :
l’annexion de la Corée,
son implantation en Chine,
sa victoire militaire sur la Russie (1905).
Exemple pour l’Asie, mais aussi bourreau pour la Chine.
Contexte initial
Pays pauvre, centralisation faible, structure féodale.
Empereur faible, pouvoir détenu par de grandes familles.
Problèmes internes : famines et pressions américaines pour l’ouverture.
La Révolution Meiji et le Japon aujourd’hui
La Révolution Meiji
Mort du shogun et de l’empereur → arrivée d’un nouvel empereur.
Décision des élites : se moderniser pour survivre.
Mesures principales :
Scolarisation généralisée.
Industrialisation rapide (importations massives).
Constitution (1889) : pouvoirs forts pour l’empereur et l’oligarchie → puis élargissement au Parlement.
Élections censitaires : 1 % les plus riches, puis extension à tous les hommes (1925).
Victoires militaires (notamment contre la Chine).
Renforcement du culte impérial (empereur divin).
Caractéristiques de l’EN japonais
État moderne (industrialisation, institutions).
Religion nationale autour du caractère divin de l’empereur.
Création d’une culture commune et d’un symbole partagé.
Appréciation occidentale : le Japon est perçu comme le « bon élève » chargé de stabiliser la région.