Deuxième partie - De la cité à l'état: droit naturel ancien et droit naturel moderne

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La présentation de Constant est très lacunaire

Elle ne fait qu’idéaliser un aspect déterminé et partiel de l’histoire de la pensée politique —> en laissant de côté les peuples non européens+la période millénaire qui, en Europe même s’étend entre:

  • la démocratie grecque (voire la république romaine)

  • les débuts du marché mondial lors de la renaissance

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Trois points que Constant a laissé dans l’ombre —> points sur lesquels on doit revenir

En s’en tenant à la perspective étroite de l’histoire de la pensée politique (qui n’est pas celle des sociétés, des institutions ou du «système-monde» inauguré par la naissance du capitalisme autour du XVème siècle), il est cependant possible de reconsidérer l’épure de Constant —> Il convient d’accentuer notamment:

  1. Le concept de justice dans l’Antiquité

  2. L’invention de l’État moderne

  3. Sécularisation et laïcité

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  1. Le concept de justice dans l’Antiquité

Constant dit que l’Antiquité = participation populaire au pouvoir

Mais c’est trop simplifié:

  • La démocratie était rare

  • Les sociétés antiques reconnaissaient souvent des principes de justice supérieurs à la volonté collective

    —> Ces principes venaient:

    • de représentations de la nature

    • de croyances religieuses

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Des exemples

  • Autochtonie à Athènes (idée que les citoyens sont nés sur le sol qu’ils habitent)

  • Importance des dieux familiaux (religion domestique)

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  1. L’invention de l’État moderne

Le développement moderne ne vient pas seulement des échanges économiques/de la «société» —> Il faut parler de l’apparition d’une forme politique spécifique: l’État

—> Cela oblige à regarder:

  • L’histoire des monarchies depuis le Moyen Âge

  • Les pouvoirs communaux et parlementaires

  • Les structures électives de l’Église

    —> Ensemble, cela a permis la naissance du régime représentatif

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Donc, Constant ne voit pas?…

Que l’État devient un pouvoir social majeur (surtout après sa mort dans la 2e moitié du XIXe siècle)

L’analyse de Michel Foucault montre une continuité paradoxale entre:

  • La raison d’État (XVIIème siècle: mercantilisme, colbertisme)

  • Le libéralisme (XIXème siècle: libre-échange, liberté du marché)

—> Ces deux modèles ont un même but: la prospérité économique du territoire et de la population, gérés par l’État, prospérité qui est la source de puissance étatique

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Pour aller plus loin…

Lire Michel Foucault, cours:

  • Sécurité, territoire, population

  • Naissance de la biopolitique

Lire Marcel Gauchet «L’illusion lucide du libéralisme», préface à Benjamin Constant, Écrits politiques (1980)

—> Gauchet explique que la liberté individuelle chez Constant implique en fait la puissance de l’État:

  • L’État garantit l’indépendance des individus

  • L’État devient vecteur d’individualisation

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  1. Sécularisation et laïcité

Constant n’explique pas comment les Modernes en sont venus à considérer la religion comme une liberté fondamentale

—> Il oublie que:

  1. Le christianisme a re-théologisé un monde romain déjà sécularisé

    —> Paul Veyne, Comment notre monde est devenu chrétien

  2. À Rome, les rites religieux étaient souvent décoratifs, sans engagement personnel profond

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Une distinction importante

La laïcité concerne l’État —> Un État est laïque si:

  • il est séparé des Églises

  • il ne reconnaît aucune religion officielle

La sécularisation concerne la société —> Une société est séculière si les relations sociales ne sont pas fondées sur la religion

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Attention: La sécularisation ≠ disparition de la foi religieuse

Une société séculière peut avoir des individus très croyants MAIS la religion n’a plus de rôle directeur dans la vie sociale —> La religion devient:

  • une institution spécialisée dans la quête individuelle du salut

  • non plus une autorité sur toute la société

    —> Donc, une société se sécularise quand la religion cesse d’organiser les rapports sociaux, pas quand les gens croient moins

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La présentation de la «liberté des anciens» que donne Benjamin Constant

Ne doit pas faire oublier que:

  • d’une part, l’antiquité a connu bien d’autres régimes politiques que la démocratie (qui est fondée sur l’esclavage —> une sorte d’aristocratie)

  • d’autre part, la démocratie ancienne est coordonnée à:

    • un ensemble de croyances religieuses

    • une idée de la justice indépendante de la volonté populaire

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Concernant les croyances religieuses à l’époque

Socrate fut condamné à mort pour ne pas avoir cru dans les dieux de la cité

La pratique athénienne du tirage au sort (e.g. des charges publiques) garde des traces d’une croyance en la manifestation de la volonté divine par le sort

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La pensée antique est aussi diverse que les régimes politiques qu’a connus l’antiquité

Une (des deux) idées que la pensée antique a léguée au moyen âge et aux modernes: l’idée de droit naturel

  • élaborée par Platon en liaison avec un idéal monarchique

  • fut reprise par Aristote dans un sens moins hostile à la démocratie

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A. La démocratie: auto-gouvernement ou auto-législation?

  1. La démocratie représentative moderne repose sur une nouvelle définition de la démocratie

  2. Préciser le sens du «pouvoir du peuple» dans l’Antiquité

  3. Trois niveaux à distinguer pour bien comprendre la démocratie antique (et moderne)

    —> Conclusion synthétique

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  1. La démocratie représentative moderne repose sur une nouvelle définition de la démocratie

Dans l’Antiquité:

  • la démocratie est une forme de gouvernementtous les citoyens participent au pouvoir

  • Exemple: Rousseau dans Le Contrat social (troisième partie)

Chez les Modernes (notamment après les trois grandes révolutions : française, américaine, anglaise):

  • la démocratie n’est plus seulement une manière de gouverner

  • elle devient un principe fondamental de la société politique, lié à l’autonomie morale de l’individu —> nul ne peut être légitimement contraint à obéir à une loi s’il ne peut se considérer comme l’un de ses auteurs

—> On passe de l’égale capacité d’agir directement (participation active) —> à l’égale liberté de vouloir (participation indirecte par la représentation)

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  1. Préciser le sens du «pouvoir du peuple» dans l’Antiquité

Quand on parle de démocratie antique (du grec demos = peuple, kratos = force/pouvoir), il faut faire attention à ne pas projeter nos idées modernes (e.g. souveraineté populaire)

En effet, à l’origine, le mot «démocrati » avait souvent un sens péjoratif:

  • Kratos —> une force brutale, contraire à archè

    —> désigne un principe directeur et ordonné

    —> e.g. monarchie = pouvoir d’un seul selon un principe

L’historien Hérodote rapporte que, pour les défenseurs antiques de la démocratie, le vrai nom de ce régime est:

  • Isonomie: égalité devant la loi

  • Iségorie: égal droit à la parole dans l’espace public

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Donc, La démocratie antique, ce n’est pas seulement «le peuple gouverne», c’est…?

  • une égalité juridique (isonomie)

  • une égalité d’expression politique (iségorie)

    (plus rarement une souveraineté populaire au sens moderne)

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Trois niveaux à distinguer pour bien comprendre la démocratie antique (et moderne)

  1. Le gouvernement = la gestion des affaires publiques au jour le jour, en fonction des circonstances

  2. La législation = le fait de poser des lois, qui encadrent l’action du gouvernement

  3. La constitution = les lois fondamentales qui:

    • fixent la répartition des pouvoirs

    • définissent les règles d’élection/de désignation

    • déterminent les domaines d’action des institutions

    • garantissent les droits de ceux qui exercent ou subissent le pouvoir

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Conclusion synthétique

La démocratie n’a pas le même sens chez les Anciens et les Modernes:

—> Les Anciens l’associent à la participation directe à un pouvoir partagé (surtout par la parole et le respect égal de la loi).

—> Les Modernes en font un principe fondé sur l’autonomie individuelle, qui permet la démocratie représentative, via des institutions légitimes parce qu’elles reposent sur le consentement des citoyens

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Trois éléments de démocratie

  1. Le régime dans lequel le peuple se gouverne lui-même (ou exerce la fonction

    gouvernementale)

  2. Le régime dans lequel le peuple se donne à lui-même ses propres lois (ou

    détient le pouvoir législatif)

  3. Le régime dans lequel le peuple détient le pouvoir constituant (ou est libre de

    changer à tout moment la constitution)

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La définition moderne de démocratie

Comme «souveraineté du peuple» met l’accent sur le pouvoir législatif du peuple

—> implique une définition de la liberté politique selon laquelle chacun ne doit être soumis qu’à des lois qui puissent recevoir son accord

—> l’ordre constitutionnel doit protéger les droits de la minorité face à la majorité et garantir que les lois ne puissent pas remettre en cause l’égalité politique des citoyens

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Ce qui caractérise généralement la conception moderne de la démocratie

(Les articles du Fédéraliste; 1787-1788, consacrés à expliquer+justifier la nouvelle constitution des Etats-Unis d’Amérique)

Est que la souveraineté du peuple y est «modifiée» par la représentation parlementaire (qui est elle-même compliquée par la séparation des pouvoirs+le contrôle constitutionnel)

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Certaines versions radicales de la démocratie

Accordent au peuple un plein pouvoir constituant (e.g. Sieyès dans son essai de 1789 Qu’est-ce que le Tiers Etat ?, qui affirmait le droit de la nation à la révolution et exerça en conséquence une influence immense sur le cours des événements)

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Le constitutionnalisme de Montesquieu

Il n’était pas favorable à la démocratie mais aux monarchies monarchies parlementaires dominées par la noblesse

—> La souveraineté du peuple+division des pouvoirs lui semblaient deux principes contradictoires entre eux

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L’innovation des «fédéralistes» américains

Fut précisément d’associer:

  1. La souveraineté du peuple (reformulée à travers la notion de représentation)

  2. La division des pouvoirs (destinée à empêcher la tyrannie de la majorité)

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La garantie des droits individuels par la séparation des pouvoirs semble aujourd’hui faire partie de la définition même de la démocratie

Ce n’était pas encore le cas à la fin du XVIIIe siècle (où la démocratie était identifiée au pouvoir arbitraire de la majorité) —> C’est pourquoi les fédéralistes américains (et d’ailleurs Rousseau) préfèrent parler de «république» plutôt que de «démocratie»

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Pourquoi est-ce que les fédéralistes pensent que la république est meilleur de la démocratie?

Parce que ils disent que la république est une démocratie améliorée ou filtrée par le système représentatif, qui sélectionne les meilleurs pour diriger

—> Le régime qu’ils promeuvent n’est pas un régime où le peuple dispose de tous les pouvoirs sans être soumis aux lois

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Rousseau et la démocratie

Il l’identifie à l’auto-gouvernement du peuple, qu’il refuse: selon lui, le peuple doit avoir le pouvoir de légiférer (=le principe républicain: la loi doit être l’expression de la volonté générale), mais il n’est pas capable de se gouverner lui-même

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Rousseau a d’ailleurs une très mauvaise opinion de la démocratie athénienne

Dans son article Economie politique paru en 1755 dans l’Encyclopédie il écrit «qu’Athènes n’était point en effet une démocratie, mais une aristocratie très tyrannique, gouvernée par des savants et des orateurs»

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Kant: la distinction entre république et démocratie

Dans Vers la paix perpétuelle (1795), Kant distingue deux dimensions politiques:

  1. La forme de souveraineté (forma imperii): elle désigne qui détient le pouvoir (un seul = autocratie, quelques-uns = aristocratie, tous = démocratie)

  2. La forme de gouvernement (forma regiminis): elle renvoie à comment le pouvoir est exercé, selon un principe juridique

    —> 1. Républicaine (séparation des pouvoirs, primauté de la volonté générale)

    —> 2. Despotique (confusion des pouvoirs, arbitraire du chef)

Kant affirme que le républicanisme repose sur la séparation entre le législatif et l’exécutif, alors que la démocratie au sens strict est paradoxalement un despotisme, car elle permet à la majorité d’imposer sa volonté à une minorité récalcitrante, ce qui contredit l’universalité de la volonté générale

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Caractéristiques de la démocratie antique

La démocratie ancienne ne repose pas sur la séparation des pouvoirs:

  • Le judiciaire, le législatif et l’exécutif sont mêlés

  • Les citoyens exercent directement toutes les fonctions (jugement, gouvernement, législation).

  • Le pouvoir du peuple est limité par des lois traditionnelles et religieuses (qui sont souvent fondées sur des récits mythologiques d’origine divine)

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La citoyenneté athénienne repose sur le mythe de l’autochtonie

Les citoyens sont issus d’une même terre —> ce qui justifie leur égalité politique et leur droit à gouverner

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Ambiguïtés de la souveraineté populaire: le cas Socrate

Le procès de Socrate (399 av. J.-C.) montre une tension:

  • Puissance du peuple: il exerce tous les pouvoirs (gouverner, juger, légiférer)

  • Mais limitation religieuse:

    Les lois sont d’origine divine —> non modifiables par le peuple

    —> Le pouvoir démocratique est donc encadré par un principe de piété

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Lecture d’Aristote sur la démocratie —> Les Politiques (Livre VI, 2)

Aristote propose une définition descriptive de la démocratie :

  1. Principe fondamental: la liberté

  2. Conséquences institutionnelles

  3. Fondement social opposé à l’oligarchie

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  1. Principe fondamental: la liberté

  • Être tour à tour gouvernant et gouverné

  • Vivre «comme on veut» (liberté individuelle)

    —> Cette liberté fonde l’égalité entre les citoyens

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  1. Conséquences institutionnelles

  • Participation de tous à toutes les magistratures

  • Tirage au sort (plutôt qu’élection) pour les fonctions ne demandant pas de compétences

  • Non-cumul et non-renouvellement des fonctions

  • Assemblée dominante dans le processus décisionnel

  • Fonctions judiciaires largement ouvertes aux citoyens

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  1. Fondement social opposé à l’oligarchie

La démocratie repose sur:

  • la pauvreté

  • la basse naissance

  • la grossièreté (au sens de l’absence de raffinement)

Inversement, l’oligarchie privilégie:

  • la richesse

  • la naissance

  • l’éducation

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Synthèse critique de la description aristotélicienne

La démocratie ancienne ne repose pas sur la souveraineté populaire représentative (comme chez les modernes) mais sur l’alternance effective entre gouvernés et gouvernants

Elle s’oppose à la méritocratie: chacun compte pour un, indépendamment de ses compétences ou de sa fortune —> cela crée une tension entre égalité et liberté (notamment face à la tyrannie possible de la majorité)

La démocratie est solidaire d’un rapport de force social entre pauvres et riches

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Deux limites majeures de la démocratie athénienne (hors Aristote)

  1. Exclusion des droits universels (les étrangers, les femmes et les esclaves sont exclus)

  2. Impérialisme athénien: selon Thucydide (dialogue entre les Athéniens et les Méliens), la démocratie athénienne s’appuie aussi sur une politique extérieure dominatrice, ce qui questionne ses fondements éthiques

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Conclusion de la synthèse

Le texte articule une critique conceptuelle et historique de la démocratie antique

—> Il montre que:

  • Kant la juge despotique en raison de l’absence de séparation des pouvoirs

  • Aristote la décrit comme un régime fondé sur:

    1. l’égalité numérique

    2. la liberté effective

    3. la domination des pauvres

      (mais il en souligne les tensions internes)

Le contexte religieux, mythique et social structure profondément la démocratie antique, la distinguant radicalement des conceptions modernes fondées sur le droit, la représentation et l’universalisme

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Deuxième partie: I.B

Le refus platonicien de la démocratie

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La critique de la démocratie par Platon

La démocratie est critiquée pour accorder le pouvoir à une masse inéduquée, «grossière», sans compétences ni connaissances nécessaires pour gouverner

—> Problème de compétence: comment un régime gouverné par des incompétents pourrait-il rendre des décisions justes ou rationnelles?

—> Platon défend une alternative fondée sur le principe méritocratique: seuls les plus compétents doivent gouverner

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Contexte personnel et historique

Hostilité de Platon à la démocratie athénienne, notamment en réaction à la condamnation de Socrate (399 av. J.-C.)

—> Cette condamnation représente pour lui une preuve de:

  • l’incompétence

  • la violence

  • l’injustice du peuple

    —> Il y voit une tyrannie de la majorité = une dérive où le nombre l’emporte sur la raison

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Platon ne fait pas de “philosophie politique” au sens moderne (un concept qui est forgé plus tard par Aristote)

Chez Platon, politique, morale, science, esthétique et métaphysique sont mêlées

  • Son œuvre majeure, La République (Politeia), combine:

    • Théorie de la justice

    • Esquisse d’un régime politique idéal

    • Critique des arts d’imitation

    • Philosophie de la science

    • Métaphysique des Idées (le réel est l’Intelligible, pas le sensible)

    • Vision de l’âme après la mort

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Conception platonicienne de la justice

La justice n’est pas une construction sociale ou politique mais:

  • une réalité objective

  • une forme idéale (idéelle) transversale à tous les domaines

    —> Elle est un ordre harmonique, un principe de proportion et de mesure qui vaut autant pour l’individu, que pour la cité, que pour l’art

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Vision platonicienne des arts

Pas de concept moderne de l’art:

  • D’un côté: la musique (art de l’harmonie, doit être réglée)

  • De l’autre: les arts d’imitation (peinture, théâtre), qui déréglent les émotions

Platon veut bannir les arts d’imitation de la cité:

  • La cité doit interdire l’immoralité du théâtre

  • Seules les danses et musiques disciplinées sont autorisées

    —> pour leur pouvoir de modeler l’âme et le corps

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Primauté de la raison sur l’opinion populaire

La justice n’est pas définie par la volonté du peuple

—> Elle est indépendante et supérieure à l’opinion

La cité juste est gouvernée par la raison = par les philosophes

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Idéal politique: la royauté des philosophes

«Que les philosophes deviennent rois, ou que les rois deviennent philosophes» (La République)

—> seulement le philosophe peut saisir la structure naturelle et cosmique du monde (ordre, beauté, harmonie)

—> La justice, l’ordre de l’âme et l’ordre de la cité doivent imiter l’ordre du cosmos (κόσμος = ordre, beauté)

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Hiérarchie des facultés dans l’âme et la cité

Triple division de l’âme:

  1. Logos: raison (gouvernants)

  2. Thumos: cœur/courage (gardiens)

  3. Epithumia: désirs/besoins (producteurs)

La justice est une hiérarchie fonctionnelle:

  • Chaque partie/fonction doit remplir son rôle propre

  • L’ordre intérieur de l’âme reflète l’ordre politique

  • Le désir doit être soumis à la vertu (courage, maîtrise de soi), elle-même éclairée par la raison

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Organisation de la cité idéale (modèle tripartite)

La cité est divisée en trois classes selon les fonctions naturelles:

  1. Philosophes-rois: gouvernent (rationalité, sagesse)

  2. Gardiens: défendent, exécutent (courage, honneur)

  3. Producteurs: assurent production matérielle et reproduction (besoins, travail)

    —> Chaque classe est éduquée pour reconnaître sa place légitime

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Une aristocratie méritocratique et rationnelle

Le gouvernement platonicien est aristocratique au sens étymologique: Aristoï = les meilleurs

—> Rien à voir avec l’aristocratie héréditaire (=noblesse de naissance)

—> La naissance et le patrimoine n’ont aucun rôle dans l’accès au pouvoir

«Celui qui est par nature cordonnier a raison d’exercer sa tâche de cordonnier»

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Éléments “communistes” dans la cité idéale

Les gardiens et philosophes vivent sans propriété privée:

  • Communauté des biens

  • Suppression de la famille (enfants éduqués collectivement)

  • Éducation eugéniste pour trier les fonctions futures

L’égalité concerne seulement les classes dirigeantes:

  • Communisme de caserne (gardiens)

  • Communisme de couvent (philosophes)

Communisme platonicien ≠ communisme moderne: Le communisme marxiste vise la suppression des classes vs. Chez Platon, la société reste strictement hiérarchique

La communion dans la vérité entraîne même une répression des erreurs ou de la pensée non conforme

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Deuxième partie: I.C

L’idée de droit naturel (Aristote, Ethique à Nicomaque, V, et Politiques, 1)

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Aristote et la démocratie

Aristote n'est pas opposé à la démocratie comme Platon —> Il reconnaît que:

  • La démocratie permet à des hommes égaux de délibérer+d’agir ensemble

  • Elle réalise leur nature d’animaux politiques et rationnels

    —> Elle donne donc aux citoyens la possibilité de leur plein épanouissement politique

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Équilibre entre mérite et égalité

Il faut tempérer le principe méritocratique (les meilleurs gouvernent) par le principe démocratique (égalité entre citoyens dans l’estimation du bien commun)

—> Aristote propose:

  • D’accepter la démocratie, mais dans des limites précises

  • De la régler par des lois et une constitution

  • De l’encadrer par des mœurs aristocratiques:

    • Influence des propriétaires

    • Respect des autorités

    • Recours aux élections (non uniquement au tirage au sort)

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Cette exigence d’équilibre sera reprise par Benjamin Constant au XIXe siècle

Il distingue:

  • la liberté des Anciens (participation directe)

  • de la liberté des Modernes (droits, garanties, représentation)

Comme Aristote, il affirme que la démocratie ne peut exister sans institutions et limites juridiques —> Il met en garde contre la confusion entre souveraineté populaire et pouvoir absolu

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Distinction des égalités – Politiques, VI, 1

Démocratie: naît quand les gens égaux sur un point pensent être égaux en tout

Oligarchie: naît quand des gens inégaux sur un point pensent être supérieurs en tout

—> Ces régimes ont chacun une part de justice, mais sont erronés en absolu

Aristote distingue deux types d’égalité:

  1. Numérique : même quantité (1, 2, 3…)

  2. Selon le mérite : proportionnelle (ex. 4 est à 2 comme 2 est à 1)

—> Il faut utiliser les deux formes d’égalité, selon les domaine

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Stabilité de la démocratie

Aristote affirme que la démocratie est:

  • plus stable

  • moins sujette aux révoltes

    que l’oligarchie

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Critique de la démagogie – Politiques, IV, 4

Aristote distingue deux formes de démocratie:

  1. Celle où la loi est souveraine —> acceptable

  2. Celle où ce sont les décrets ponctuels du peuple qui dominent —> dangereuse

Cette dernière forme conduit à:

  • L’apparition de démagogues

  • Une forme de despotisme collectif, analogue à la tyrannie

  • Un pouvoir où les flatteurs dominent la masse (e.g. les courtisans et le tyran)

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Une vraie démocratie repose sur deux éléments

  1. La primauté de la loi

  2. Une constitution (politéia) stable

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Conditions pour une démocratie légitime

  1. Le peuple est soumis aux lois

  2. L’égalité concerne la capacité à juger le bien public (égalité politique)

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La démocratie devient dangereuse quand elle?

  1. Se transforme en égalité absolue (notamment économique)

  2. Refuse la compétence ou la science (e.g. les usagers ne remplacent pas les techniciens)

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Donc, Il faut équilibrer trois choses

  1. Les principes démocratiques

  2. Les principes méritocratiques

  3. Le respect de la nature humaine et des hiérarchies sociales

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La constitution mixte: de Rome à l’époque moderne

Aristote inspire l’idée d’une constitution mixte = un équilibre entre démocratie, aristocratie et méritocratie.

—> Cette idée est reprise par:

  • Polybe (historien romain)

  • Cicéron (orateur et philosophe)

  • Edmund Burke (XVIIIe siècle, monarchie constitutionnelle anglaise)

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Moyen Âge: pouvoir spirituel vs pouvoir temporel

—> Deux pouvoirs rivaux:

  1. Rois (pouvoir temporel)

  2. Papes (pouvoir spirituel)

Saint Augustin (fin de l’Empire romain):

  • Histoire = lutte entre la Cité de Dieu et la Cité des Hommes

  • Conflit entre fins spirituelles (salut) et fins politiques

  • Problème de hiérarchie des autorités

Le conflit s’incarne dans la doctrine des deux glaives:

  1. Le glaive temporel (obéissance civile)

  2. Le glaive spirituel (définir l’orthodoxie, excommunier)

    —> Certains rois (e.g. en France) invoquent le droit divin pour affirmer leur autonomie

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Le droit naturel et Thomas d’Aquin

Un droit naturel est-il possible si l’homme est pécheur?

—> Réponse de certains théologiens: non, tout droit est d’origine religieuse

—> Réponse de Thomas d’Aquin:

  • Oui, droit naturel = droit voulu par Dieu en tant que naturel

  • Ce droit peut être compris par la raison humaine, sans révélation

  • Le droit naturel devient une partie profane du droit divin

    —> Michel Villey, Questions de saint Thomas sur le droit et la politique (1987)

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Francisco de Vitoria et le droit naturel des peuples «infidèles»

Grand théologien thomiste —> dans ses Leçons sur les Indiens (1537–1539), il affirme:

  • Les États catholiques n’ont pas le droit de conquérir ou asservir les Amérindiens

  • Ces peuples ont des droits naturels, même s’ils ne sont pas chrétiens

  • La conversion religieuse ne justifie pas la violence ou les massacres

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II. Le sens de l’État

À la fin du Moyen Âge la «cité de l’homme» et la «cité de Dieu», dont saint Augustin disait qu’elles étaient «enchevêtrées», se désenchevêtrent —> Les monarchies d’Angleterre et de France procèdent à tracer des frontières qui reconnaît à l’Église son pouvoir spirituel mais réserve le pouvoir temporel (=politique) à ce qui va s’appeler l’État

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Donc, l’État nait précisément de?

L’affirmation du pouvoir politique dans sa spécificité et son autonomie (face aux pouvoirs à prétention universelle de la papauté et de l’Empire)

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L’État est un terme permettant de désigner toute société politique

On utilise le terme:

  • de manière laxiste (=tolerante)

  • de façon trés large

  • et on l’applique rétrospectivement

E.g. on parle des États représentés à l’ONU, mais ils ont tous des superficies et tailles différentes, ils disposent de puissance différentes, ils sont organisés différemment, etc.

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Un danger qui vient de cette utilisation

On oublie que l’État à une histoire, on désigne au mot la signification moderne (mais elle a apparu récemment, qu’au XVIème siècle)

—> peut-être la réalité même de l’État est «moderne»?

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Un courant ultra-libéral qui met en cause l’existence même de l’État

Dans Droit, législation et liberté, Hayek (penseur-maître du néo-libéralisme radical) annonce qu’il n’utilisera pas le mot «État»:

  • terme inutile

  • «lourd d’arrière-pensées métaphysiques»

    —> «le mot “gouvernement” est plus approprié est plus précis»

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La fonction du gouvernement selon Hayek

De veiller au respect des règles qui permettent les interactions individuelles

—> Metaphore: «quelque chose de comparable au service d’entretien d’une usine; son objet n’est pas de produire des services particuliers ou des produits que consommeront les citoyens, mais plutôt de veiller à ce que la machinerie qui règle la production de ces biens et de ces services soit maintenue en bon état de marche»

—> Le gouvernement ainsi compris n’a pas besoin de prendre la forme de l’État: il s’apparente plutôt à une société d’assurance

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Le danger de l’idée de l’état (Hayek)

(terme qu’il tient pour typiquement «continentale» et opposée à la tradition du libéralisme anglo-saxon) Est de supposer la croyance en une «volonté générale du peuple» ou un «intérêt public» dont l’État a la charge

—> ce qui le définit comme une organisation susceptible d’imposer ses propres objectifs aux membres de la société qu’il dirige

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L’idée de l’État et l’opposition d’un libéralisme radical de Hayek

Un organisme autonome:

  • avec ses propres buts

  • qui a comme tâche l’organisation sociale en vue de l’intérêt général

    —> Hayek oppose une thèse d’un libéralisme radical: le gouvernement ne peut pas avoir d’autre mission que d’assurer le respect des règles de droit qui permettent l’ordre spontané de la société (ordre de marché sans objectif propre, qui naît de l’interaction des individus qui poursuivent leurs objectifs)

    —> Il n’y a pas d’autre «intérêt général» que l’intérêt qu’ont les acteurs du marché à l’existence d’un cadre légal leur permettant de poursuivre leurs intérêts particuliers dans de libres interaction

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Deuxième partie: II.A

L’invention de l’État

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Trois définitions de l’État moderne

  1. Jean-Philippe Genet (dans Actes de la Recherche en sciences sociales, 1997)

  2. Gérard Bergeron (Petit traité de l’État, 1990)

  3. Louis Carré de Malberg (Contribution à la théorie générale de l’État, 1920)

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  1. Jean-Philippe Genet (dans Actes de la Recherche en sciences sociales, 1997)

Un État moderne repose sur:

  • une fiscalité publique acceptée par la société politique

  • un territoire plus grand que celui d’une cité

  • tous les sujets sont concernés

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  1. Gérard Bergeron (Petit traité de l’État, 1990)

L’État repose sur 4 éléments:

  1. Organisation politique

  2. Obligation juridique

  3. Collectivité sociale

  4. Territoire déterminé

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  1. Louis Carré de Malberg (Contribution à la théorie générale de l’État, 1920)

Il propose 3 composantes essentielles:

  1. Population

  2. Territoire

  3. Puissance publique

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Caractéristiques fondamentales de l’État

  1. L’État est une personne juridique et morale

  2. Il repose sur:

    • un bien public ou un intérêt public (qu’il produit et garantit)

    • un appareil d’État (armée, police, justice, administration, fonctionnaires)

    • une autorité souveraine, reconnue par d'autres États

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L’État n’a pas toujours existé

l y a eu et il existe encore des sociétés sans État

  • Pierre Clastres (La Société contre l’État):

    • Dans certaines sociétés «primitives», la chefferie ne signifie pas pouvoir

    • Ce sont des sociétés qui résistent à l’État, d'où l'expression «société contre l’État»

  • Cornelius Castoriadis (Les Carrefours du labyrinthe IV):

    • L’État est une création historique (Mésopotamie, Asie, Méso-Amérique)

    • Une société sans État (bureaucratie séparée): possible+souhaitable

    • Mais une société sans institutions de pouvoir est une absurdité (erreur de Marx et des anarchistes)

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Débats sur l’origine de l’État

Marcel Mauss: l’État serait né avec l’Empire romain

Louis Dumont (Essais sur l’individualisme):

  • Au Moyen Âge, l’Église était l’État

  • L’État était le département de police de l’Église

Alfred Adler (article de 2011):

  • L’État serait une notion universelle et ancienne

  • Même les sociétés dites sans État sont en fait contre l’État (cf. Clastres)

Lucien Febvre:

  • On ne peut parler d’État qu’à partir du monde moderne

  • L’État commence avec le XVIe siècle, quand on ressent le besoin de lui donner un nom nouveau

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Pourquoi les empires antiques ne sont pas des États

Même s’ils ont une bureaucratie et un droit, ils:

  • n’ont pas de frontières claires

  • ne reconnaissent que des barbares à l’extérieur

  • sont marqués par un impérialisme illimité

Gérard Bergeron:

  • Un État moderne a des frontières avec d'autres États souverains

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Pas d’État dans la société féodale

Avant le XIIe siècle:

  • Le pouvoir est personnel (pas public)

  • Les liens de vassalité remplacent la loi

  • Pas de soumission à une loi impersonnelle

  • Le territoire est fragmenté en fiefs, sans centralisation

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Évolution du mot “État”

Le mot État vient du latin status:

Signification au début: condition, état d’une chose ou d’une personne.

—> Il exprime une idée de stabilité, d’immobilité

Le mot prend un sens politique quand:

  • on parle de status regnis (état du royaume)

  • ou status regis (office du roi)

    —> On commence à désigner l’organisation politique dans son ensemble

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Naissance du mot “État” en politique

Fin XVe siècle: usage courant en Italie (Stato)

—> Dans Le Prince de Machiavel (1513), on parle déjà d’État

—> Il naît aussi l’expression: ragione di stato (raison d’État)

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Naissance de la «raison d’État»

Giovanni Botero, Della ragione di stato (1589):

  • Il critique Machiavel

  • Il propose une raison d’État mesurée, liée à:

    1. la modération

    2. la connaissance mathématique (ratio = proportion)

    —> La statistique viendra plus tard comme science de l’État

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La raison d’État comme transgression du droit

Gabriel Naudé, Considérations politiques sur les Coups d’État (1639):

  • Défend l’idée d’une raison d’État violente (inspirée de Machiavel)

  • Les coups d’État sont des actions extraordinaires, hors droit commun

    —> Exemple: le massacre de la Saint-Barthélémy, qu’il critique seulement parce qu’il était "à moitié fait"

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Usage tardif du mot État en France et Angleterre

  • Fin XVIe: Jean Bodin préfère parler de République

  • Milieu XVIIe: Hobbes utilise encore des termes latins pour désigner l’État

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Deuxième partie: II.B

État, patrie et salut public: Machiavel

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Le fondateur de la pensée politique moderne

Machiavel fait partie de ceux qui utilisent le mot État (Le Prince, 1513), et il peut être considéré comme le premier penseur qui se soit efforcé de penser la politique à la lumière de la réalité nouvelle que ce mot désigne

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Cette pensée politique moderne est une…?

Une pensée de l’état qui représente l’homme politique comme un «Sujet» qui doit maîtriser le désordre des événements —> et non pas comme un élu/un serviteur de Dieu chargé de:

  • restaurer la vérité de la nature

  • aider l’ordre naturel à s’accomplir

  • combattre pour la volonté de Dieu

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Auteur: Nicolas Machiavel (1469–1527)

  • Italien de la Renaissance, citoyen engagé de la République de Florence

  • Fonction: diplomate, secrétaire, puis écrivain et théoricien politique

    —> Œuvres majeures:

    • Le Prince (1513, publié en 1532): manuel de stratégie politique

    • Discours sur la première décade de Tite-Live (vers 1514, publié en 1531): réflexions sur la politique républicaine à partir de l’histoire romaine

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Contexte et position philosophique

  • Rompt avec la tradition antique et médiévale du droit naturel (jusnaturalisme):

    • Refuse la vision d’un ordre naturel juste, harmonieux, idéal

    • Ignore Aristote et saint Thomas d’Aquin (thomisme) —> aucune discussion avec eux; rupture assumée et silencieuse (puissance du silence dans la critique implicite)

  • S’oppose aux spéculations sur:

    • Une «cité idéale» (comme chez Platon)

    • Un ordre de la nature à restaurer

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Le rôle des institutions

L’ordre politique est un équilibre fragile construit par les humains

—> Ce n’est pas un ordre naturel, mais un ordre artificiel et stratégique

Les institutions:

  • Peuvent canaliser les rapports de force vers la liberté et la puissance

  • Ou les figer dans la mort politique (régimes impuissants)

  • Ou les pervertir en despotismes rigides et immobiles

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Idée centrale: la "vérité effective de la chose"

Politique = rapports de force réels, pas idées idéales

La seule "nature" qu’il reconnaît est celle:

  • Des désirs, des passions et des instincts humains

  • Désordre, conflit, lutte —> la politique naît de ce chaos

  • Il n’y a pas de nature humaine bonne ou d’ordre juste préexistant

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Citation clé

«La vérité effective de la chose»
—> Ce que Machiavel cherche à penser: non pas comment la politique devrait être, mais comment elle fonctionne réellement

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L’ordre politique selon Machiavel

Est une forme rare et fragile, un "équilibre paradoxal" issu du chaos humain

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Dimension stratégique du pouvoir

Pour Machiavel, la politique est action et calcul, pas simple jeu de forces brutes