intro chap 1 adm

Droit administratif 


Introduction :


Le droit administratif, on le rencontre dans la vie de tous les jours. L'université est une personne morale dotée d’un règlement intérieur qui est un acte administratif potentiellement susceptible de recours. 

L’autorisation préalable c’est du droit administratif, pouvoir manifester sur la voie publique c’est du droit administratif car il faut une autorisation. (autorisation préfectorale = acte administrative)

Le droit administratif ne se confond pas seulement avec la jurisprudence administrative, ce n’est pas que le contentieux.  


Au début du 19es on voit apparaître l'expression “droit administratif” avec un ouvrage de Portiez de l’Oise en 1808 ​​avec un premier enseignement dans les Écoles de droit. Le premier ouvrage consacré à cette matière est le Cours de législation administrative.

À la suite, on a d’autres auteurs, D'autres ouvrages suivront avec notamment ceux de Cormenin, de Gérando ou encore de Macarel. 

Ensuite, sous le second empire, ouvrages de Aucoc et de Batbie.

Il s'agissait toutefois à l'époque de décrire l'administration et les règles qui s'y rapportent.

En réalité, pour le passage ça va se faire avec Laferrière et notamment son traité de la juridiction administrative et des recours contentieux. > On voit bien un changement de prisme. On passe d’une vision institutionnelle à une vision contentieuse du droit administratif. Le droit administratif va s’intéresser aux juges administratifs et à ce que produit le juge administratif en termes de règle de droit (Jurisprudence (jp)). > renouveler l'approche du droit administratif dans une perspective contentieuse. 


Après Laferrière, 2 grands auteurs ont théorisé le droit administratif : Maurice hauriou (l’École de Toulouse) avec son Précis de droit administratif (1892) et Léon duguit (l’École de Bordeaux) avec son Manuel de droit constitutionnel (1907). 2 écoles qui vont s’opposer, sur les fondements du droit administratif, la première fonde le droit administratif sur la puissance publique, l'ordre public et la police (Hauriou) pour lui, ce sont les moyens utilisés qui vont définir le droit administratif et les moyens utilisés sont ce qu’on appelle la puissance publique (possibilité qu’a l'administration à imposer ses choix dans l’intérêt collectif). Aujourd’hui, l'administration va pouvoir adopter des actes administratifs unilatéraux (actes administratifs = actes adoptés par une administration au sens large). Ex :lorsqu’un maire interdit la circulation dans une rue car il y a un événement qui va se dérouler dans cette rue il prend un arrêté de police interdisant toute circulation, stationnement dans les rues concernées, il l‘adopte unilatéralement cette décision s’impose à autrui. Pour Hauriou, ce qui définit le droit administratif c’est la puissance publique et donc tous les moyens de puissance publique dont dispose l'administration pour agir, imposer ses choix à l’intérêt général. 


La seconde affecte au droit administratif une fonction de solidarité sociale, qui repose sur le service public (Duguit) idée que l’on peut tout droit administratif par la notion de service public. Toute mission d’intérêt général exercé par des personnes publiques avec cette idée que le service public est garant de l’interdépendance sociale, là où il y a du service public il y a de l’interdépendance sociale et donc de la vie en société pour le bien de tous et non dans l’intérêt de chacun.  


Le droit administratif est une branche du droit public de l’administration qui régit l'administration sauf le problème c’est qu’il s’agit que d’une première étape, ce n’est que approximatif. Dans le langage courant, le mot « administration » désigne soit une activité – le fait d'administrer, c'est-à-dire de gérer une affaire, là c’est gérer les affaires publiques,       –  renvoie aussi à l'organe qui exerce cette activité, une institution. 


Le premier sens est dit « matériel », le second sens est dit « organique ».

Approche organique : administration renvoie aussi à un organe, à une institution. 

Approche matériel : c’est l’activité.


TITRE 1. Définitions et caractères du droit administratif


Chapitre 1. L’identification du droit administratif : le droit public de l’administration


Le droit administratif est ainsi le droit public de l'administration.


Pourquoi définir le droit administratif ? (clé de lecture : Quoi? Pourquoi ? Comment?)


Pour reconnaître les litiges relevant de la juridiction administrative.

Il faut pouvoir identifier parmi l'ensemble des litiges ceux qui échappent au droit commun. Pour ce faire, il faut déterminer un ou plusieurs critères de définition du droit administratif. 


Qu’est ce que l’administration ? 


Le critère peut être organique : le droit administratif est alors le droit applicable aux personnes morales de droit public. Ensemble des personnes publiques (personne morale de droit public tel que l’État, les collectivités territoriales, les établissements publics). 

Le critère peut être matériel : le droit administratif est le droit applicable aux activités de service public et/ou le droit administratif est le droit qui s’applique aux outils de la puissance publique.


Section 1. L’administration au sens organique : la détermination des acteurs relevant du droit administratif


Clé de lecture : organique/ matériel 


§1. La notion de personne morale de droit public


A/ Définition de la personne morale de droit public 


On dit aussi « personne publique » (PP) dans la mesure où il n'existe pas de personne physique de droit public. La personne morale de droit public se définit de la même façon que la personne morale de droit privé : « les personnes morales sont des groupements d'intérêts collectifs que le droit considère comme étant sujets de droit composés en général à la fois d'un groupe d'individus et d'un groupe de biens affectés à la satisfaction des intérêts poursuivis en commun ». Elle se caractérise par le principe de spécialité créé pour satisfaire une ou des missions spécifiques. En réalité, les PP en principe par leur cercle de compétence, par leur mission qui leur sont confiés.  

Ce principe permet d'opérer une distinction entre les personnes physiques et les personnes morales. Selon ce principe, la compétence des personnes morales est limitée aux actes correspondant aux objets en vue desquels elles ont été créées. Seul l’Etat n’est pas soumis à ce principe = Il peut intervenir dans tous domaines.


B/ Distinction de la personne morale et de la personne physique 




La personne morale n’est pas définie dans le temps, comparé aux personnes physiques. La personne morale ne peut agir qu’en fonctions des missions, des intérêts qu’on lui a confiés et pour lesquelles elle a été créée alors que nous on a un champ beaucoup plus vaste. On obtient notre personnalité juridique à la naissance automatiquement alors que pour obtenir la personnalité morale il faut que cette personnalité morale soit reconnue. > Seuls certains intérêts vont pousser l'autorité publique à reconnaître l'existence de la personnalité morale. 


C/ Distinction de la personne morale de droit public et de la personne morale de droit privé


  1. Les personnes morales de droit privé


Les personnes morales de droit privé s'opposent par différents aspects aux personnes morales de droit public. Leur création résulte en principe de l'initiative privée. Nul n'est tenu d'y adhérer, nul ne peut être contraint d'y rester. Leur capacité juridique est limitée à l'accomplissement d'actes de droit privé ; elle exclut, en principe, toute prérogative de puissance publique.


La classification des personnes privées s'opère selon le caractère lucratif ou non lucratif du but poursuivi. Les personnes morales à but lucratif sont les sociétés civiles et commerciales. Celles-ci se caractérisent par la recherche du profit. Les personnes morales à but non lucratif sont constituées par les syndicats professionnels (groupements ayant pour but la défense des intérêts professionnels ex. les ordres professionnels), les associations (loi du 1er juillet 1901, groupement que les particuliers peuvent créer librement) et les fondations (un particulier affecte un patrimoine à une tâche désintéressée, et organise la gestion de ce patrimoine).


  1. Identification des différentes personnes morales de droit public


Les personnes publiques se comptent par milliers mais elles se classent en plusieurs catégories déterminées, qui tiennent leur existence de la Constitution et de la loi.


*l’État : L’État est une personne publique unique. Il dispose d'une compétence générale. L’État comprend un très grand nombre d'organes internes, qui lui permet de fonctionner. Il se compose d'une administration centrale, qui regroupe l'ensemble des ministères et de services déconcentrés (Mettre en œuvre la politique fixé par l'État), qui sont le prolongement de l'action de l'Etat au niveau local au sein de circonscriptions administratives au niveau départemental, régional, et de l'arrondissement. 


Décentralisation : Transfert des compétences et de moyens de l’État (personne publique) aux collectivités territoriales (personne morale de droit public).


*Les collectivités territoriales : elles ont compétence pour gérer les affaires locales par le biais d'organes élus (Etat, Région, Département, Commune, Collectivité d'outre-mer). Les collectivités territoriales sont nées de la décentralisation.


*Les établissements publics : L'établissement public est une personne morale de droit public qui dispose d'une compétence spéciale en vertu du principe de spécialité. Il existe des milliers d'établissements publics : hôpitaux, lycées, universités... Chaque année, de nouveaux établissements sont créés, d'autres sont supprimés. 

Si le législateur est compétent pour créer une « catégorie d'établissements publics » (art. 34 de la constitution du 4 oct. 1958), la création d'un nouvel établissement public relève de la compétence du pouvoir réglementaire (l’autorité principal c’est le PM qui dispose du pouvoir réglementaire) (art. 37 de la constitution du 4 oct. 1958). Relèvent d’une même catégorie au sens de l’article 34 les établissements « dont l’activité s'exerce territorialement sous une même tutelle administrative » et dont la spécialité est «analogue». 


*Les groupements d'intérêt public (GIP) : Créés par la loi du 15 juillet 1982 qui portait sur la recherche, le législateur a ensuite étendu la formule des GIP à d'autres secteurs d'activité. Ils sont créés par convention entre des personnes morales de droit public et des personnes morales de droit privé, en vue de mettre en œuvre une activité commune, le plus souvent une activité de service public (ex. GIP enfance en danger ; ex. Maison départementale des personnes handicapées > rattaché au département de collectivités territoriales mais en son sein elle fait travailler des personnes publiques, l’état qui est représenté, le département qui est représenté mais également l'assurance maladie (personne privée) ; ex. Institut national du cancer).

Personne morale de droit public et son but c'est de faire travailler entre eux des personnes publiques et des personnes privées mais sous l’étiquette de la personne morale de droit publique. 


*Les autorités publiques indépendantes (API) : La loi 20 janvier 2017 portant statut général des autorités administratives indépendantes (AAI) et des autorités publiques indépendantes dispose (art. 2) que « les autorités publiques indépendantes disposent de la personnalité morale ». Si des API disposent de la personnalité morale cela signifie à contrario que les AAI elles ne disposent pas de la personnalité morale. 


Il convient de ne pas confondre les autorités administratives indépendantes (AAI), qui ne disposent pas de la personnalité juridique (à titre d’illustrations d’AAI = le Défenseur des droits, la Commission nationale informatique et libertés – CNIL, la Commission d’accès aux documents administratifs – CADA, ou encore l’Autorité de la concurrence…) des autorités publiques indépendantes (API), qui disposent de la personnalité juridique.


La liste des AAI et des API a été donnée par l’annexe de la loi du 20 janvier 2017 précitée à titre d’illustrations d’API : l’Agence française de lutte contre le dopage (AFLD), l’Autorité de régulation des transports, l’Autorité des marchés financiers (AMF), le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), la Haute Autorité de santé (HAS)…


§2. La définition organique de l’administration et du droit administratif


L'administration est constituée des personnes morales de droit public, autrement dit de l’ensemble des personnes publiques.


Le droit administratif est alors le droit applicable aux seules personnes morales de droit public. Cette définition n'est pas satisfaisante, elle retient une conception restrictive de l'administration excluant les personnes privées et un champ incomplet du droit administratif, qui ne s'appliquerait qu'aux personnes publiques.


Le droit administratif a un rapport avec les PP, l’État produit du droit administratif, mais ce n’est pas suffisant. En plus, une PP peut faire le choix de contracter et de se placer dans une situation d’un contrat de droit privé. Donc on ne peut pas appliquer que du droit administratif aux PP et le droit administratif ne s’applique pas qu’aux personnes publiques, s’applique aussi à certaines personnes privées. 


Quelles sont les limites de la définition organique du droit administratif ?


  • Première limite de la définition organique du droit administratif : l’hypothèse de la personne publique gérant un service public industriel et commercial (SPIC) et dont le contentieux relève du droit privé et de la compétence du juge judiciaire.


Pcp selon lequel une PP peut se voir appliquer du droit privé et en cas de contentieux relève de la compétence du JJ.


TC, 22 janvier 1921, Société commerciale de l'Ouest Africain, GAJA ou affaire dites du Bac d’Eloka

La société commerciale aimerait récupérer des D/I, juridiquement pour obtenir des D/I on engage une action en responsabilité ici, contre le gestionnaire du bac de transport colonie de la côte d'ivoire c’était une PP donc on pourrait penser que ce soit le JA compétent mais à l’époque on se pose la question de si ce n’est pas la responsabilité civile car on est pas encore au point sur la responsabilité administrative. Donc SP + PP en principe = droit administratif, mais ce n’est pas sûr. Le conflit arrive devant le TC, doit déterminer quelle est la juridiction compétente pour connaître de l’action en responsabilité dirigée contre la colonie de la côte d’ivoire en raison de son activité de transport. 


TC va venir constater certaines réalités, le juge va qualifier ce qu’est que le bac de transport et va qualifier cette activité de SP mais c’est une activité de SP qui n’est pas classique. Ce que dit le TC c'est du transport mais qui ressemble à ce que peut faire également un service de transport dans le secteur privé, donc aucune particularité. 


TC après avoir qualifié l’activité de transport, l’activité de service public qui pourrait être exercé par un industriel de droit privé va conclure à la compétence du JJ pour connaître de l’action en responsabilité exercé par la société commerciale de l’ouest africain contre la colonie de la côte d’ivoire qui exploité une activité de service public de transport de la même façon qu’un industriel. 

De cette jp, la doctrine a créé une nouvelle catégorie juridique qui est le SPIC (service public industriel et commercial). 


Donc > une PP peut se voir appliquer du droit privé et en cas de litige c’est le JJ qui est compétent donc on ne peut pas dire que le droit administratif c’est le droit des PP car elles peuvent être régi par le droit privé. 


  • Seconde limite de la définition organique du droit administratif : l’hypothèse de la personne privée gérant un service public relevant en cas de contentieux du droit administratif et de la compétence du juge administratif.


> Il faut déterminer le droit applicable pour connaître le juge compétent. 


Le premier qui va illustrer ce principe : CE. Ass., 1938, Caisse Primaire « aide et protection ». GAJA, à propos d'un établissement privé (caisse d'assurance sociale) chargé de l'exécution d'un service public et soumis au droit administratif.


Dans cet arrêt, le CE est venu reconnaître la compétence du JA dans ce contentieux là. Principe : personne privée gérant une activité de SP se voit appliquer du droit administratif et en cas de litige relève de la compétence du JA. 


C.E. Ass., 31 juillet 1942 Monpeurt, GAJA, à propos d'un comité d'organisation chargé de la production industrielle, assimilable à un établissement privé.

Selon le Conseil d’État, participe à une mission de SP et parce qu’il participe à une mission de SP ce comité qui est une personne privée il relève du droit administratif et donc de la compétence du JA. 


C.E. Ass., 2 avril 1943 Bouguen, GAJA, à propos de l'Ordre des médecins, qui ne constitue pas un établissement public mais qui participe au service public de l'organisation et du contrôle de la profession médicale et relève en conséquence du droit administratif.

Structure privée et le JA est compétent pour connaître du contentieux qui concerne une personne privée gérant une activité de SP. 

  

Aussi, l'administration doit, donc également être définie par son objet, d'un point de vue matériel.


Section 2 : L'administration au sens matériel : les services publics ou la puissance publique


D'un point de vue matériel, l'administration est l'ensemble des activités exercées en vue de satisfaire les besoins de la population (activités de service public) en mettant en œuvre éventuellement des prérogatives de puissance publique. Selon cette définition, le SP et/ou la puissance publique sont considérés comme les critères d'identification du droit administratif.

> Connexion avec les 2 écoles de pensées : l’école de Duguit et l’école d’Hauriou.


§1. Définitions et présentation des deux Écoles


A/ L'école du service public de Léon Duguit

  

L’École du service public de Léon Duguit 1859-1928 (doyen de la faculté de droit de Bordeaux)


Cette doctrine du SP est encore dénommée « doctrine des buts ». Pour l'école du service public, les moyens importent peu, ce qui compte c’est l’objectif qui va permettre de définir le droit administratif, la satisfaction de l’intérêt général. Dès lors qu'il y a service public, il doit y avoir application des règles du droit administratif et compétence de la juridiction administrative. Le droit administratif est le droit des services publics. Pour Duguit le service public se définit comme une activité d'IG gérée par une PP. Les activités des PP sont alors présumées être des activités de SP.


Pour duguit : PP = SP = DA = JA. Pour lui, les personnes publiques ne peuvent qu’exercer des SP. Mais c’est une explication limitée car l'équation est fausse. On sait qu’il y a des PP qui peuvent gérer des SPIC et être soumises au droit privé. On sait que le droit administratif peut être appliqué également à des personnes privées et que donc des personnes privées peuvent gérer des activités de SP alors que dans l’esprit de Duguit ça ne pouvait pas arriver.


Ce courant de pensée trouve son origine essentiellement sur la décision du Tribunal des conflits du 8 février 1873 Blanco.


T.C. 8 février 1873 Blanco, GAJA : 


La réponse du Tribunal des conflits va entrer dans les annales du droit administratif : 

« Considérant que la responsabilité qui peut incomber à l’État pour les dommages causés aux particuliers par le fait des personnes qu’il emploie dans le service public ne peut être régie par les principes qui sont établis dans le code civil, pour les rapports de particulier à particulier ; 

Que cette responsabilité n’est ni générale ni absolue ; elle a ses règles spéciales (=droit administratif plus particulièrement le droit de la responsabilité administrative) qui varient suivant les besoins du service et la nécessité de concilier les droits de l’État avec les droits privés » 


Pour parvenir à cette solution, le TC raisonne en plusieurs étapes. 


Il affirme d'abord l'autonomie du droit administratif en écartant l'application au présent litige des règles du droit civil. Ainsi, la responsabilité de l'Etat pour les dommages causés aux particuliers par le personnel qu'il emploie dans les services publics échappe aux règles du Code civil. En conséquence, la mise en cause de l'administration au travers de son activité de service public relève d'un droit spécifique (les règles spéciales) : le droit administratif. Par cette décision, le service public est affirmé comme le critère de définition d'un droit autonome – le droit administratif –.


La décision Blanco présente un double intérêt : 


- au plan de la responsabilité de l'État : La décision Blanco consacre la responsabilité de l'État ; elle met ainsi fin à une longue tradition d'irresponsabilité.


- pour déterminer la compétence des juridictions administratives, la décision Blanco se fonde sur le critère du service public pour soumettre la responsabilité de l’État à des « règles spéciales ». Ces règles spéciales prendront corps avec le droit administratif. Le TC en déduit la compétence des juridictions administratives (« la compétence suit le fond »= on détermine le droit applicable pour déterminer la juridiction compétente)


En application de cette doctrine (de Duguit), il est relativement aisé d'identifier le droit administratif. En effet, à chaque fois que l'on se trouve en présence d'une activité de service public, automatiquement il y a application du droit administratif, et, automatiquement compétence en cas de litige du juge administratif.


B/ L'École de la puissance publique de Maurice Hauriou

  

L'École de la puissance publique de Maurice Hauriou (1856-1929) (doyen de la Faculté de droit de Toulouse)


L’École de la puissance publique est l’École des moyens, ceux qui sont mis en œuvre par l’administration. Selon cette École, ce sont les moyens employés qui comptent, qui permettent de définir le droit administratif.


Les moyens (juridiquement) sont les prérogatives de puissance publique (ppp). 


Dès qu’il y aura ppp il y aura pour lui application du droit administratif et compétence du juge administratif.    


La prérogative de puissance publique se définit comme des moyens d'action ou de protection de l'administration propres aux personnes publiques que l'on ne retrouve pas dans les rapports de droit privé.

La ppp c’est ce qui marque l’inégalité des parties en faveur de l’administration, de l’autorité publique. La plus révélatrice de ces ppp est la faculté d’édicter des actes administratifs unilatéraux. Imposer à des tiers de reconnaître des droits ou reconnaître des obligations par la seule volonté de l’administration.   


Il y en a d’autre de ppp : 

  • L’insaisissabilité des biens des personnes publiques (art. L 2311-1 CGPPP) > les personnes publiques leurs biens sont protégés ;

  • L’imprescriptibilité des biens des personnes publiques relevant de leur domaine public (art. L3111-1 CGPPP) ;

  • Le droit d’opposer la prescription quadriennale (= pendant 4 ans), qui éteint leurs dettes lorsque le créancier n’a pas réclamé le paiement avant la fin du quatrième exercice budgétaire suivant leur naissance ;

  • Le pouvoir des personnes publiques dotées d’un comptable public d’émettre un ordre de recouvrer ayant force exécutoire pour obliger leurs débiteurs à payer ce qu’ils leur doivent ;

  • Le pouvoir d’ordonner des travaux d’office ;

  • Le droit de lever des impôts.


Une variante : la théorie des bases constitutionnelles du droit administratif de G. Vedel


Pour Vedel, il est inconcevable que le droit administratif soit défini indépendamment de toute prise en considération de la constitution, puisque la constitution est le texte fondamental, la principale source de l’ordre juridique nationale. En partant de la constitution, Vedel va proposer de faire 3 délimitations successives qui lui permettront au final d’avoir une définition du droit administratif. 


  • La première est une délimitation organique, il exclut de l'administration ce qui relève du parlement et de la juridiction et rattache l’administration au gouvernement. 

  • La deuxième est matérielle : il délimite à l'intérieur de l'activité gouvernementale ce qui n'a pas de caractère administratif. Se trouvent ainsi exclus de l'administration l'activité diplomatique du gouvernement et l'activité du gouvernement dans ses rapports avec les autres pouvoirs publics.

  • En troisième lieu, Vedel rejoint la doctrine d'Hauriou. Il fait ainsi apparaître que ce qui caractérise l'administration et le droit administratif c'est l'exclusion des procédés de droit privé. Ce qui ne relève pas du droit administratif c’est ce qui relève du droit privé. Ce qui le caractérise c’est l’égalité des parties, une relation d’égal à égal. Alors que justement en faisant référence à la puissance publique c’est une relation qui est profondément inégalitaire en faveur de la personne publique, puisqu’elle agit dans l’intérêt général ce qui justifie qu’elle dispose de moyen particulier et notamment du moyen d’imposer ses choix aux autres. Donc de la puissance publique qui se matérialise par des ppp.


A partir de ces exclusions successives, il définit le droit administratif comme le droit applicable « à l'ensemble des activités du gouvernement et des autorités décentralisées étrangères à la conduite des relations internationales ou aux rapports entre les pouvoirs publics et s'exerçant sous un régime de puissance publique ».


Conclusion : On a vu que l'école de service public de Duguit, ne permettait pas de définir tout le droit administratif. La puissance publique ne permet pas non plus de définir tout le droit administratif. Il existe des limites à chacune de ces écoles. 


§2. Les limites du recours aux notions de service public ou de puissance publique pour définir le droit administratif


A/ Les crises de la notion de service public


Avec la décision Blanco, l'équation permettant d'identifier le droit administratif est simple :

PP = SP = DA = JA


Cette équation va être perturbée par l'intervention des personnes privées gérant des activités de service public mais également et par l'apparition d'activités de service public gérées comme des entreprises privées. jp : TC, 1921, société commerciale de l’ouest africain.

-> première crise de l’élément matériel. Puisque dans l’équation c’est au niveau du SP que la perturbation a lieu. Puisque ce SP est géré comme une entreprise privée et que la doctrine en a fait donc une nouvelle catégorie juridique le SPIC. 

Mais aussi crise de l’élément organique, le SP ne peut pas définir finalement le Droit administratif à lui seul, car le SP n’est pas toujours géré par des personnes publiques. (jp : CE. Ass., 1938, Caisse Primaire « aide et protection » ; C.E. Ass., 31 juillet 1942 Monpeurt ; C.E. Ass., 2 avril 1943 Bouguen)

Des personnes privées gèrent des activités de service public et se voient appliquer le droit administratif. Le service public n'est plus forcément l'activité d'une personne publique.


B/ La crise de la notion de puissance publique



La puissance publique est ce qui permet à l’administration de disposer de prérogatives exorbitant du droit commun, ppp, donc être dans une situation de déséquilibre par rapport aux administrés, de pouvoir imposer ses choix, avoir des pouvoirs spécifiques parce qu’elle poursuit l’intérêt général. Ça permettrait de dire qu’à chaque fois que l’administration exerce des ppp on applique le droit administratif. Mais c’est oublié une hypothèse d’une situation possible pour laquelle l’administration va décider de ne pas mettre en œuvre de ppp. Par ex l’adm va être contrainte par des règles de droit administratif qui ne sont pas marquées par l’inégalité des parties, qui ne constitue pas un pouvoir pour elle (à titre d’illustration, l’intégration au sein de l’administration des lauréats d’un concours administratif : ici, l’administration ne dispose pas de marge de manœuvre, elle est tenue d’intégrer les admis inscrits sur la liste principale avant d’ouvrir la liste complémentaire)  

> Donc la puissance publique ne peut pas définir tout le droit administratif puisque parfois l'administration va bien faire application du droit administratif alors que même il n’y aura pas de pouvoir exorbitant du droit commun.  


Chaque critère de définition du droit administratif connaissant des limites, il est apparu intéressant d'en opérer la conciliation afin de pouvoir identifier le droit administratif. 


Le droit administratif n'est pas tout, ni seulement le droit des personnes publiques, le droit administratif n'est pas tout le droit des services publics et le droit administratif n'est pas tout le droit de la puissance publique.


§3. L'alliance des critères d'identification du droit administratif : le service public et la puissance publique


L'alliance des critères s'opère de deux façons différentes : 

-Soit il y a « interpénétration », c'est-à-dire qu'un des critères est utilisé pour définir l'autre ; on va utiliser la puissance publique pour définir le SP mais celui géré par une personne privée. 

-Soit il y a « combinaison » des critères pour parvenir à identifier le droit administratif.


A/ L'interpénétration des critères : la puissance publique comme critère de définition du service public géré par une personne privée


On l'a vu à l'origine (jurisprudence Blanco), l'activité de la personne publique est présumée être une activité de service public. Le service public se définit ainsi comme une activité d'intérêt général gérée par une personne publique (PP=SP). 

Or, on sait désormais que des personnes privées sont également susceptibles de gérer des activités de service public. 


Une question se pose alors : comment identifier, parmi les activités des personnes privées, celles qui sont des activités de service public. 

Les textes précisent rarement que de tels organismes de droit privé assurent un service public. Il appartient en conséquence au juge administratif saisi d’un litige de procéder à cette qualification.

> C’est donc à ce stade là de la qualification d’identifier parmi les personnes privées celles qui gèrent les missions de SP qu’on va utiliser la puissance publique pour définir une activité de SP gérée par une personne privée. Si on identifie que la personne privée en cause a des pouvoirs particuliers, les ppp, ça va participer au fait qu’il y ait de forte chance qu’elle gère bien une activité de SP.


Aussi pour identifier l'activité de SP gérée par une personne privée, le juge administratif a dégagé plusieurs indices reflétant la présence de la personne publique. Ces critères sont le reflet de la présence de la personne publique derrière cette personne privée. 


Ces indices sont au nombre de trois (critères cumulatifs) : 

-l'activité d'intérêt général (sa nature), 

-l'attribution de prérogatives de puissance publique, on a des asso qui ont la possibilité d’adopter des décisions administratives unilatérales.

-le contrôle exercé par la personne publique sur la personne privée.  


Ces 3 critères cumulatifs ont été posés par la jp par le juge administratif, dans 2 arrêts de principes : C.E. Sect. 13 janvier 1961 Magnier ; C.E. Sect. 28 juin 1963 Narcy      

La présence de ppp permet ainsi d'identifier le service public géré par une personne privée. La ppp est donc un critère de définition du service public géré par une personne privée.  


À la suite, on a une jp qui est venu préciser la portée du critère de la puissance publique permettant de qualifier l’activité de SP géré par une personne privée. C.E., Sect., 22 février 2007, Association du Personnel Relevant des Établissements pour Inadaptés (A.P.R.E.I.) a limité la portée du critère de la puissance publique pour qualifier l’activité de SP d’une personne privée en ajoutant une hypothèse à la précédente : 


« indépendamment des cas dans lesquels le législateur a lui-même entendu reconnaître ou, à l’inverse, exclure l’existence d’un service public, une personne privée qui assure une mission d’intérêt général sous le contrôle de l’administration et qui est dotée à cette fin de prérogatives de puissance publique est chargée de l’exécution d’un service public » 

> hypothèse des jurisprudences Magnier et Narcy.


Mais, dans jp APREI on va plus loin et on va limiter le recours à la puissance publique. Parce que  le CE précise « Même en l’absence de telles prérogatives, une personne privée doit également être regardée, dans le silence de la loi, comme assurant une mission de service public lorsque, eu égard à l’intérêt général de son activité, aux conditions de sa création, de son organisation ou de son fonctionnement, aux obligations qui lui sont imposées ainsi qu’aux mesures prises pour vérifier que les objectifs qui lui sont assignés sont atteints, il apparaît que l’administration a entendu lui confier une telle mission ». 

> nouvelle hypothèse


Aujourd’hui, la jp qu’on utilise pour qualifier ce que fait la personne privée qui est en cause, savoir si elle pratique une activité de SP on va appliquer la jp la plus récente donc  C.E., Sect., 22 février 2007, Association du Personnel Relevant des Établissements pour Inadaptés (A.P.R.E.I.) et on applique tous les critères qui sont posés.     


B/ La combinaison des critères  


Pourquoi pourrait-on combiner les critères de SP et la puissance publique pour définir le droit administratif ? 

Parce qu’ils ont un point commun = intérêt général. Le SP a pour finalité l’intérêt général. La puissance publique c’est-à-dire le fait de donner des pouvoirs exorbitant qu’on ne rencontre pas en droit privé. > Ne peut se justifier que parce que la finalité suivie est la satisfaction de l’intérêt général. Comment pourrait-on justifier de telles ppp si ce n’est par l’intérêt général ? 


L’intérêt général se trouve à la base de toutes les notions clefs du droit administratif, toutefois il est délicat d'en donner une définition précise en raison de son caractère protéiforme (variable selon les circonstances de temps et de lieu).


En tout état de cause, il n'y pas de service public sans intérêt général et il n'y a pas de puissance publique sans intérêt général. 


Forcément, l’intérêt général est défini par des politiques publiques, l’intérêt général est une notion juridique mais pas seulement, c’est aussi une notion politique. C’est-à-dire, qu’à un moment donné des choix politiques vont être fait pour considérer que telle activité est une activité d’intérêt général et qu’à ce titre, elle est érigé en SP.


Duguit, à l’époque, il disait bien que le SP c’était l’interdépendance sociale. Et effectivement, moins il y a de SP moins il y a d’interdépendance sociale et moins il y a d'interdépendance sociale plus il y a de problématiques et de problèmes. Donc c’est vraiment une notion qui dépasse le cadre du droit mais qui est essentielle à la réflexion d’aujourd’hui. 


A la question de savoir « quelle notion (juridique) en serait le principal moteur (pour ne pas dire le critère) ? », on retiendra les quelques réponses suivantes :


Pierre Delvolvé, membre de l'Institut de France, Professeur émérite à l'Université Panthéon Assas : « La notion de service public est évidemment le principal moteur (et en même temps critère de ce droit) mais on ne peut en séparer celle de puissance publique, comme instrument de la réalisation du service public ».


Maryse Deguergue, Professeur émérite à l'Université Paris 1 : « La notion juridique, principal moteur du droit administratif, est l'intérêt général ou l'intérêt public – ce qui n'est pas tout à fait la même chose –, sans hésitation ».


Didier Truchet, Professeur émérite à l'Université Panthéon Assas : « Le critère, je ne sais pas, mais la notion motrice reste à mes yeux l'intérêt général, quel que soit le terme utilisé pour le désigner (intérêt public, utilité publique...) ».


Les notions d'intérêt général, de service public et de puissance publique demeurent ainsi au cœur de l'action administrative.

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