Objet et domaine TD 8 : 14/11/22

Psychologie sociale

La psychologie sociale s’intéresse aux processus mentaux et aux comportements de l’individu, en tenant compte de ses connaissances et de son environnement physique et social.

L’un des principaux objets d’étude de la psychologie sociale est l’étude scientifique de la façon dont la présence d’autrui (réelle ou imaginée), influence les états psychologiques et les conduites/comportements des individus.

En effet, lorsqu’un individu pense, raisonne ou agit, il le fait dans un contexte donné.

Ce contexte peut se caractériser, entre autres, par la présence d’autres individus, par des enjeux relationnels hiérarchiques, identitaires, intra et intergroupes. = différents aspects sociaux.

Le contexte est également un contexte idéologique et culturel.

Ainsi, ces multiples facteurs sont susceptibles d’influencer la manière dont cet individu pense, raisonne et agit, et la psychologie sociale vise précisément à étudier les mécanismes qui interviennent dans ces influences.

Les mécanismes d’influence connus en Psychologie sociale sont multiples et aujourd’hui, nous allons nous focaliser sur un effet particulier appelé : l’effet spectateur; également appelé : l’effet témoin. En anglais : bystander effect.

Cet effet spectateur, vous l’avez peut-être déjà rencontré personnellement.

A quoi ressemble-t-il ?

Cet effet se rencontre habituellement dans une situation où une personne aurait visiblement besoin d’aide en présence de témoins, par exemple : agression, objets tombés au sol, personne perdue dans la rue.

  • Qu’est-ce que l’effet spectateur ?

  • L’effet spectateur, c’est le fait que, dans une situation où une personne a besoin d’aide, plus le nombre de témoins de cette situation est grand, plus les chances que chacun de ces témoins interviennent sont réduites.

Donc, en théorie, plus on est nombreux, plus la probabilité qu’on intervienne pour aider est diminue.

Ainsi l’effet spectateur s’observe principalement sur des comportements nécessitant l’intervention d’une tierce personne (tel que l’observateur).

Donnez des exemples ?

->Tiré de votre expérience ou de votre imagination.

Ainsi, l’effet spectateur se rencontre :

  • Sur les comportements d’aide, qu’il y ait danger vital (situation d’agression, malaise,...) ou qu’il s’agisse d’une aide qui puisse sembler « anodine » (aider à ramasser des papiers, arrêter un voleur, aider à porter une valise dans les escaliers ou à changer un pneu crevé)

  • Sur les comportement incivils (personne qui jete son mégot de cigarette ou un emballage quelconque par terre, personne qui double dans une file d’attente,...).

En fait, cet effet n’intervient pas uniquement sur la probabilité que l’on va aller aider ou non.

Les chercheurs ont observé que l’effet spectateur joue également sur d’autres facteurs tels que la perception que l’on se fait de la gravité de la situation, le temps nécessaire à détecter la situation d’aide, etc.

Dans l’étude de Darley & Latané (1968), les participants sont répartis dans des box expérimentaux et communiquent entre eux avec des écouteurs.

Il y a 3 situations possibles :

  • a) le sujet naïf + la victime/compère,(compère: une personne qui joue un role qui lui est donne par experimentateur),

  • b) le sujet naïf + la victime/compère + un autre compère,

  • c) le sujet naïf + la victime/compère + quatre autre compères.

Au bout d’un moment, le participant « victime/compère » se sent mal et fait une crise d’épilepsie.

Dans cette étude :

On observe que dès qu’il y a 1 spectateur (une personne tierce (en plus) est présente), les participants sont moins nombreux à intervenir et que cela leur demande environ le double de temps.

Et avec 4 spectateurs, les participants sont 3 fois moins nombreux à intervenir et mettent en moyenne 3 fois plus de temps que lorsqu’il n’y a pas de spectateurs.

Comment expliquer ce type de résultats que l’on rencontre généralement dans les études sur l’effet spectateur ?

    1. l’ignorance plurielle (ou ignorance pluraliste)

    1. l**’appréhension de l’évaluation**

    1. la dilution de responsabilité

    1. Autres facteurs qui expliquent cet effet spectateur

1) l’ignorance plurielle (ou ignorance pluraliste) :

Dans une situation ambiguë, où on a l’impression de constater une situation anormale (et en présence d’autres personnes), on va parfois avoir un doute sur ce que l’on observe.

Ici, on s’interroge sur ce que l’on croit voir :

Est-ce que ce collégien vient de frapper cet autre collégien ? Ou est- ce que ce sont des amis qui chahutent ?

Est-ce que cet homme vient de mettre une main aux fesses à cette femme ? Ou est-ce qu’ils sont en couple ?

Dans le doute, on va essayer de s’assurer que l’on ne se trompe pas, que l’on n’interprête pas mal ce que l’on voit

Pour cela, on a tendance à s’appuyer sur l’observation des réactions des autres personnes présentes, le plus souvent, avec un raisonnement tel que :

« si personne n’agit c’est que ce n’est pas grave, si quelqu’un agit c’est que c’est grave »

2) l’appréhension de l’évaluation :

Lorsque l’on a une opinion sur ce que l’on voit et que l’on réfléchit à intervenir, on peut quand même avoir des doutes et on anticipe ce qui se passerait si on se trompait...

Il y a une crainte naturelle (une appréhension) d’avoir d’être évalué de manière negative (avoir l’air ridicule), si on intervient alors que la situation ne le nécessitait pas.

Ici, on réfléchit à intervenir :

“Soit j’ai raison, et il y a besoin d’aide, soit je me trompe et là j’aurai l’air idiot”

3) la dilution de resposabilité :

Un autre facteur qui intervient dans l’effet spectateur est la dilution de responsabilité. Ici, on estime que la situation nécessite que l’on intervienne, mais du fait de la présence d’autres personnes, notre responsabilité personnelle se voit réduite car elle est partagée avec les autres témoins présents.

C’est le fameux : {Quelqu’un devrait faire quelque chose}

On est dans la situation où intervenir semble évident, cependant, en présence d’autrui, on se dit que “quelqu’un devrait faire quelque chose” ou que “quelqu’un d’autre va bien intervenir”.

Or comme personne n’est plus responsable que les autres d’intervenir dans cette situation, tout le monde tend à penser la même chose, et personne n’agit, ou du moins, pas immédiatement…

4) Autres explications qui expliquent cet effet spectateur :

Une autre explication est tout simplement la peur d’intervenir et que cela ait des consequences pour soi, notamment pour sa propre intégrité physique, notamment dans une situation de danger ou de violence.

On constate que ces différents facteurs, notamment au niveau du cheminement de pensée, vont retarder l’action d’intervenir même si on considère que cela est nécessaire, d’autre part, cela va également apporter des “portes de sorties” pour ne pas intervenir.

-“Il semble que la situation est normale, donc tout va bien”

-“J’aurai l’air trop bête si je me trompe, laisse tomber”

-“Je suis sûr qu’il y a un héros dans foule qui va intervenir, c’est bon”

Cas particulier où l’effet spectateur ne s’active pas : lorsque l’on est dans un groupe connus, tels qu’avec des proches ou des amis.

La situation est moins ambigüe si on connaît la « victime » (ici, on connaît ses réaction, les comportements autorisés ou non avec elle...), et on a aussi une bonne idée des pensées des autres témoins si on les connaît. Dans ce cas, on évite le phénomène d’ignorance plurielle.

Quand on connaît les autres témoins, on craint moins leur évaluation, on a moins peur du ridicule, il y a donc moins (mais pas « aucune ») appréhension de l’évaluation.

Les autres étant connus, on sait qu’ils ne sont pas plus responsable que moi d’intervenir, et donc on ne diluerait plus notre responsabilité personnelle dans le groupe, ce qui nous pousserait davantage à assumer la responsabilité d’agir.

D’autres facteurs vont avoir un impact sur l’effet spectateur, il s’agit de facteurs “modérateurs”, c'est -à -dire qu’ils vont augmenter ou diminuer l’effet spectateur.

  • L’importance du danger encouru par la “victime”:

Lorsque le danger encouru par la victime est clair (donc pas d’ambiguïté), on n’a pas besoin de se référer à la réaction des autres pour savoir comment réagir (ignorance plurielle) et dans ce cas, l’effet spectateur est contré.

  • Que la responsabilité d’intervenir soit axé sur une personne particulière :

Dans cette situation, lorsque la « victime » demande de l’aide à une personne précise parmi les témoins, la responsabilité de cette personne n’est plus diluée parmi les témoins, l’individu sollicité est alors personnellement responsable d’aider ou non.

  • La responsabilité de la victime :

Piliavin (1981) a conduit une étude dans le métro de NY. Une victime est couchée sur le sol, avec 2 conditions : « sent l’alcool » vs. « pas d’odeur ». Les passants aident moins souvent la victime qui sent l’alcool (perçue comme responsable de son sort). Cette différence disparaît si un complice apporte de l’aide en premier.

  • La proximité psychologique et le risque:

Burnstein et al. (1994) ont demandé à des participants d’imaginer différents scénarios présentant une personne en difficulté, et à chaque fois on leur demande s’ils seraient volontaires pour l’aider. Ils ont croisé deux conditions:

VI1 : la personne est proche (un parent) vs. éloignée (un étranger).

VI2 : on a besoin d’un comportement d’aide au quotidien (ranger la maison) vs. question de vie ou de mort (sauver une vie).

  • La densité des villes :

Evans & Lepore (1993) ont comparé les comportements d’aide et la densité des villes aux USA. Ils ont observé :

- que les comportements d’aide sont moins fréquents dans les très grandes villes par rapport aux villes plus petites,

- que les gens qui vivent dans de grandes villes accordent moins d’attention à ceux qui les entourent que ceux qui vivent dans des villes plus petites.

- Humeur et sentiment de culpabilité :

Cunningham et al. (1980) ont demandé à un compère de jouer les touristes et de demander aux passants de le prendre en photo devant un monument. Ils faisaient alors croire au passant que celui-ci avait accidentellement cassé l’appareil photo en appuyant trop fort sur le bouton (humeur négative) ou non (humeur neutre/positive). Et ils ont ensuite mesuré le comportement d’aide ultérieur envers un autre compère.

  • Le groupe et l’image de soi :

Dans une méta-analyse, Dovidio (1984) a relevé que dans 29 études sur 34, le comportement d’aide est plus fréquent lorsque la victime est « similaire à soi » (même couleur de peau) que lorsqu’elle est « dissimilaire ».

Toutefois, les gens vont souvent aider une victime « dissimilaire » pour ne pas donner l’impression d’avoir des préjugés.

  • Le sentiment d’intrusion :

Dans l’expérience de Shotland & Straw (1976), les passants assistent à une dispute entre un homme et une femme dans la rue. La femme crie « je ne te connais même pas » vs. « je n’aurais jamais dû t’épouser », et on mesure la proportion de passants qui interviennent pour séparer le couple.

Les passants interviennent davantage dans le premier cas car dans le second cas, ils ont le sentiment de se mêler de ce qui ne les regarde pas.

  • La pression temporelle :

Dans l’expérience de Darley et Batson (1973) les auteurs demandent aux participants de se rendre dans un autre bâtiment pour partager une courte présentation qu’on leur a demandé préparer. Trois conditions sont manipulées, manipulant la pression temporelle imposée aux participants :

pression forte vs. pression moyenne vs. pression faible

(les seminaristes catholique ou d’autres religions leur demandent de prepare un presentation devant d'autres personnes.)

Enfin, la personnalité peut avoir un impact sur les comportements d’aide et donc sur l’effet spectateurs, cependant, le plus souvent, le facteur prépondérant dans l’explication de l’effet spectateur tient à la situation (le contexte) et non à la personnalité de l’individu.

robot