2-1 Le gouvernement libéral de Wilfrid Laurier (1896-1911)
2-1 Le gouvernement libéral de Wilfrid Laurier (1896-1911)
En 1896, Wilfrid Laurier, chef du Parti libéral du Canada, est élu premier ministre du Canada.
Les politiques qu’il adopte visent à renforcer l’autonomie du Canada, à affermir l’unité nationale et à favoriser le développement du pays.
Le statut du Canada dans l’Empire britannique
À la fin du 19e siècle, les francophones et les anglophones s’opposent souvent sur le plan des valeurs et des idées
Ils ne s’entendent pas sur les politiques que doit adopter le gouvernement fédéral à l’égard de l’Empire britannique
Les francophones ne partagent pas non plus le sentiment d’appartenance à l’Empire britannique qu’éprouvent de nombreux anglophones
L’impérialisme britannique
Impérialiste signifie qui donne son appui à la domination politique, culturelle, économique ou militaire qu'exerce un État sur un autre
Beaucoup de Canadiens anglais sont impérialistes à cause des liens culturels et historiques qui les unissent au Royaume-Uni
Ils sont fiers d’appartenir à l’Empire britannique et pensent que le Canada devrait participer à l’expansion de cet empire dans le monde
Le Canada est considéré comme en sécurité au sein de l’Empire
Les impérialistes se regroupent dans des organisations
Exemple : l’Imperial Federation League fondée en 1884
Alton McCarthy, président de cette organisation, est député fédéral de 1876 à 1898
Il fait la promotion de la culture britannique et s’oppose à l’usage du français en dehors du Québec
Plusieurs impérialistes pensent que l’anglais devrait être la seule langue officielle du Canada et que le protestantisme devrait être la seule religion officielle
Le nationalisme canadien-français
Au 20e siècle, le nationalisme canadien-français se transforme
Il revendique auprès d’Ottawa le respect de l’autonomie des provinces dans leurs champs de compétence
Les nationalistes remettent en question les liens politiques qui unissent le Canada à l’Empire britannique
Ils revendiquent une plus grande autonomie du Canada
Ils s’opposent à la participation du Canada aux guerres de l’Empire
Ils défendent les droits linguistiques et religieux des Canadiens français catholiques dans l’ensemble du Canada
L’affirmation de l’identité canadienne dans l’Empire britannique
Dans la seconde moitié du 19e siècle, des Canadiens affichent des positions politiques moins tranchées que les impérialistes et les nationalistes
Tout en affirmant leur attachement à l’Empire britannique
Ils estiment que le Canada ne se définit pas seulement par son lien avec l’Empire
Le Canada possède aussi son identité propre
La politique du gouvernement Laurier
Wilfrid Laurier souhaite apaiser les tensions entre les impérialistes et les nationalistes
Il adopte une politique de compromis
Il estime que les deux groupes doivent miser sur ce qu’ils ont en commun afin de favoriser l’unité canadienne
Développer le Canada et promouvoir son autonomie et son identité
Tout en conservant un lien avec l’Empire britannique
Les rapports du gouvernement Laurier avec l’Empire britannique
La politique du gouvernement Laurier à l’égard du Royaume-Uni cherche à affirmer et à défendre l’autonomie et l’identité du Canada sans rejeter les liens avec l’Empire britannique
En 1897, Wilfrid Laurier est invité par Joseph Chamberlain, le secrétaire d’État aux Colonies du Royaume-Uni, à participer à une conférence à Londres
Chamberlain souhaite raffermir les liens impériaux avec les colonies en proposant la création d’un conseil impérial permanent
Laurier refuse cette proposition
Il estime que cela nuirait à l’autonomie du Canada, car les décisions seraient en réalité prises ou fortement influencées par Londres
La guerre des Boers (1899-1902)
Boers Descendants des colons majoritairement hollandais installés en Afrique du Sud. Aujourd’hui désignés sous le terme "Afrikaners", ils forment la majorité de la population blanche d’Afrique du Sud.
Annexer Faire passer un territoire sous la souveraineté d’un autre État
Conscription Obligation de s’engager dans l’armée
En 1899, le Royaume-Uni, qui possède des colonies en Afrique du Sud, souhaite annexer des territoires occupés par les Boers
Ces territoires renferment d’importants gisements d’or que les Britanniques convoitent
Une guerre éclate entre les Boers et les Britanniques
Le gouvernement britannique demande l’appui militaire du Canada
Les nationalistes canadiens-français, dont Henri Bourassa, s’opposent à l’implication du Canada dans ce conflit
Contrairement aux impérialistes, les nationalistes estiment que cette guerre ne concerne pas le Canada
Wilfrid Laurier adopte une position de compromis
Il appuie la participation du Canada à la guerre, mais n’impose pas la conscription
Seuls les volontaires, dont plusieurs impérialistes, sont envoyés au front
De 1900 à 1902, plus de 7000 soldats canadiens se rendent en Afrique du Sud pour combattre aux côtés des Britanniques
La création de la marine canadienne
Au début du 20e siècle, une rivalité militaire s’installe entre le Royaume-Uni et l’Allemagne
Le Royaume-Uni demande une contribution financière du Canada à la défense de l’Empire
Laurier estime que le Canada devrait offrir son aide en créant sa propre force militaire
Il propose donc la création d’une marine militaire canadienne
Les impérialistes et les nationalistes s’y opposent fermement
Les impérialistes veulent une aide directe au Royaume-Uni
Les nationalistes craignent que la marine entraîne une participation automatique à toutes les guerres de l’Empire
Malgré cette opposition, le projet de loi est adopté, et la marine canadienne est créée en 1910
Une politique d’immigration
Durant le mandat de Laurier, le Canada connaît une période de prospérité
La politique nationale de Macdonald, mise en place en 1879, porte enfin ses fruits
Le gouvernement Laurier mise sur l’immigration pour coloniser les terres de l’Ouest et stimuler l’économie
Il reprend la politique d’immigration de Macdonald avec plus d’énergie et de ressources
Plusieurs stratégies sont déployées
Publication de brochures
Affiches publicitaires en plusieurs langues
Bureaux d’immigration dans les grandes villes européennes
Offres de terres gratuites aux immigrants
Paiement du coût de la traversée en bateau
L’accueil des immigrants
La loi canadienne sur l’immigration prévoit des structures d’accueil pour répondre principalement aux préoccupations médicales. Depuis les années 1830, un système de quarantaine est en place, notamment à la Grosse-Île près de Québec, pour éviter la propagation de maladies contagieuses. Cependant, pour s’établir et s’intégrer, les immigrants doivent surtout compter sur leur initiative, leur famille ou leur communauté déjà installée.
Les origines des immigrants
Au début du 20e siècle
Les origines sont réparties ainsi
Un tiers viennent du Royaume-Uni
Deux tiers des États-Unis
Le reste vient d’Europe principalement
D’autres, moins nombreux, viennent de divers endroits, surtout d’Asie
Les politiques d’immigration sont peu restrictives pour les Européens et les Américains
Les immigrants d’autres régions du monde sont davantage restreints
Les effets de la politique d’immigration
Flux migratoire Ensemble des personnes qui migrent d’une région vers une autre
L’arrivée massive d’immigrants transforme le Canada sur les plans démographique et territorial
Les flux migratoires vers l’Ouest entraînent
L’agrandissement du territoire agricole sous forme de cantons
La création des provinces de l’Alberta et de la Saskatchewan en 1905
Poids démographique Proportion d’un groupe dans la population totale
L’ouverture de l’Abitibi à la colonisation en 1910
Depuis 1867, le poids démographique du Québec diminue
L’émigration vers les États-Unis aggrave la situation
Pour freiner cet exode, le Québec, soutenu par le clergé, relance un programme de colonisation
En 1910, une nouvelle région est ouverte à la colonisation : l’Abitibi
Dès 1912, la construction d’un chemin de fer améliore son accessibilité
Mais les premiers colons découvrent que le sol est peu propice à l’agriculture
La découverte de cuivre et d’or dans les années 1920 attire de nouveaux colons et favorise l’urbanisation
Les conséquences de l’immigration dans l’Ouest canadien
Au tournant du siècle, l’installation de nombreux immigrants dans l’Ouest canadien crée des tensions avec la population canadienne-anglaise.
Cette immigration contribue au recul des droits des minorités franco-catholiques au Canada.
Une montée de la xénophobie
XÉNOPHOBIE : Hostilité ou crainte à l’égard des personnes d’origine étrangère.
Dans l’Ouest canadien, la présence accrue d’immigrants d’origines diverses suscite une inquiétude grandissante chez certains Canadiens et entraîne une montée de la xénophobie.
En milieu rural, les immigrants d’Europe centrale et orientale (Polonais, Ukrainiens, Russes, etc.) s’installent parfois en communautés, occupant plusieurs concessions, ce qui est mal perçu par certains anglophones établis dans les Prairies.
En milieu urbain, les immigrants d’origine asiatique, comme les Chinois et les Japonais, se regroupent dans des quartiers où ils tentent de préserver leur culture, très différente des cultures européenne ou nord-américaine. Certains Canadiens anglais, majoritaires dans l’Ouest, craignent que le nombre d’immigrants augmente au point qu’ils deviennent une menace pour leur culture. C’est dans ce contexte que le gouvernement canadien met progressivement en place des mesures d’immigration de plus en plus restrictives à l’égard des immigrants asiatiques.
En 1900, un droit d’entrée de 100 $ est imposé aux immigrants chinois.
En 1903, ce montant passe à 500 $, une somme colossale pour l’époque.
En 1908, à la suite d’un accord avec le Japon, le Canada limite à 400 par année le nombre de Japonais pouvant s’établir au pays.
Les minorités franco-catholiques
Avec l’arrivée massive d’immigrants dans l’Ouest canadien, le poids démographique des communautés francophones diminue. En conséquence, elles obtiennent proportionnellement moins de représentants politiques, ce qui nuit à la défense de leurs droits. Déjà, en 1890, le gouvernement du Manitoba avait adopté une loi visant à abolir les écoles séparées pour les francophones. Appuyés par les francophones du Québec, ces derniers contestent cette loi, notamment devant la Cour suprême.
En 1897, le gouvernement Laurier propose une solution connue sous le nom de « compromis Laurier-Greenway ». Selon ce compromis, si une classe compte au moins dix élèves francophones, ceux-ci peuvent recevoir un enseignement en français dans les écoles manitobaines.
En Saskatchewan et en Alberta, l’anglais est désigné comme la seule langue d’enseignement, mais un usage limité du français est toléré dans les classes primaires.
En 1912, le gouvernement de l’Ontario adopte le règlement 17, qui vise à imposer l’enseignement en anglais dans les écoles primaires fréquentées par les francophones. L’enseignement en français, y compris les cours de français, est alors limité aux deux premières années du primaire. Ce n’est qu’en 1927 que les Franco-Ontariens retrouveront un enseignement principalement en français.
Les lois qui restreignent l’enseignement en français à l’extérieur du Québec créent des tensions entre Québec et Ottawa. Le gouvernement du Québec dénonce ces lois et accuse le gouvernement fédéral de ne pas protéger adéquatement les francophones hors Québec. Cette situation alimente également les tensions entre les impérialistes, qui souhaitent angliciser les francophones, et les nationalistes canadiens-français, comme Henri Bourassa.
La situation des Autochtones au Canada au début du 20e siècle
Au début du 20e siècle, le gouvernement canadien poursuit sa politique d’assimilation des Autochtones.
Le régime des pensionnats indiens
Dans les pensionnats indiens, généralement administrés par les Églises chrétiennes, les jeunes Autochtones sont forcés d’abandonner leur langue et leurs coutumes. En 1895, on compte 45 pensionnats indiens, principalement situés dans l’Ouest. Leur nombre augmente de 1896 à la fin des années 1930, atteignant près de 90 établissements. Au Québec, le premier pensionnat indien est créé en 1934 à Fort George, près de l’actuelle communauté crie de Chisasibi, à la Baie-James.
Les conditions de vie dans les pensionnats indiens
Les conditions de vie dans ces pensionnats sont si mauvaises que le taux de mortalité y est près de cinq fois plus élevé que dans le reste de la population. Entre 1880 et 1920, on estime que 25 à 30 % des jeunes Autochtones sont morts durant leur séjour. Les principales causes de décès sont la maladie, la malnutrition, les mauvais traitements et les accidents.
L’évolution des politiques envers les Autochtones
Constatant que les politiques du 19e siècle n’ont pas permis une assimilation rapide, le gouvernement canadien renforce son contrôle sur les communautés autochtones. Il augmente le nombre de fonctionnaires du département des Affaires indiennes et modifie à plusieurs reprises la Loi sur les Indiens pour restreindre davantage la vie sur les réserves.
L’implantation des conseils de bande est plus sévèrement encadrée. Des agents des Affaires indiennes sont placés dans les réserves pour superviser les décisions des conseils. Cette politique renforce la position paternaliste du gouvernement envers les Premières Nations.
Pour limiter les revendications territoriales, une modification de la Loi sur les Indiens en 1927 interdit aux Autochtones d’utiliser leur argent pour payer des avocats. Cela les empêche de poursuivre les autorités ou de réclamer des compensations pour les pertes territoriales. Cette interdiction ne sera levée qu’en 1951.
La gouverne des populations inuites
Les contacts des Inuits avec les Blancs sont plus tardifs que ceux des Premières Nations. Durant la seconde moitié du 19e siècle, ces contacts sont surtout économiques : certains Inuits travaillent à bord de navires baleiniers et participent au commerce des fourrures grâce à l’ouverture de postes de traite. À cette époque, les Inuits conservent en grande partie leur mode de vie traditionnel.
En 1912, avec l’extension vers le nord des frontières du Québec, de l’Ontario et du Manitoba, les gouvernements débattent de la question de la gouvernance des Inuits. En 1939, la Cour suprême statue que les Inuits doivent être considérés comme des « Indiens » au sens de la Constitution de 1867. Ils relèvent donc du gouvernement fédéral, mais ne seront jamais soumis à la Loi sur les Indiens.
À la même période, l’effondrement du prix des fourrures entraîne la famine chez les Inuits. Le gouvernement fédéral commence à leur fournir une aide ponctuelle. Dans les années 1940, il met en place un suivi médical et administratif de cette population.