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4-2-Les choix économiques dans le Québec contemporain

4-2-Les choix économiques dans le Québec contemporain

Depuis 1980, l’économie du Canada et du Québec connaît une alternance entre périodes de récession et périodes de croissance. Les gouvernements tentent de contrôler la dette. Dans les années 1990 et 2000, la mondialisation de l’économie transforme la vie économique. Des accords de libre-échange entre les pays sont signés.

La récession des années 1980 et ses effets

Le début des années 1980 est marqué par une profonde récession. Les États-Unis, qui subissent également les effets de la récession, importent moins de matières premières et de produits du Canada. Puisque l’économie du Québec dépend largement de ses exportations vers les États-Unis, plusieurs entreprises manufacturières ferment leurs portes et plusieurs travailleurs perdent leur emploi. Les secteurs de l’économie les plus affaiblis sont les secteurs primaire et secondaire.

La récession et le chômage contribuent également à augmenter l’écart entre les riches et les pauvres. Le taux de chômage au Canada, qui était de 5,5 % en 1973, atteint 12 % en 1983. Au Québec, il dépasse les 14 % en 1983 et s’avère plus élevé chez les jeunes. Le pouvoir d’achat des travailleurs s’en trouve affaibli. Cela occasionne une diminution de la consommation de biens et de services, ce qui contribue également au ralentissement de l’économie. Les taux hypothécaires atteignent eux aussi des sommets (de 17 à 20 %), ce qui ralentit la construction résidentielle. De nombreux propriétaires perdent leur maison.

La redéfinition du röle de l'État

Dans les années 1980, en raison du ralentissement de l’économie, des débats de société s’engagent sur le rôle de l’État. Plusieurs se demandent comment l’État doit intervenir pour assurer le développement économique de la province tout en répondant aux besoins de l’ensemble de la population.

Le financement des programmes sociaux

Pour diminuer les effets du ralentissement économique et soutenir les personnes en difficulté, l’État-providence devrait normalement investir davantage dans les infrastructures, les services et les programmes sociaux. Cependant, alors que l’économie tourne au ralenti, les revenus de l’État (taxes et impôts) sont en baisse. L’État doit s’endetter pour maintenir les services qu’il offre à la population.

Devant cette situation, les points de vue sont partagés. Plusieurs estiment que les programmes sociaux font partie des valeurs fondamentales de la société québécoise et qu’ils ont une forte incidence sur la vie des citoyens les plus vulnérables. Pour eux, ces programmes sont essentiels au maintien d’une certaine justice sociale. Ils estiment que l’État doit accroître ses revenus en augmentant les impôts des entreprises et en contrôlant la corruption et l’évasion fiscale. D’autres, par contre, croient que le gouvernement devrait réduire le financement des programmes sociaux et moins intervenir dans l’économie. Ils considèrent qu’il faut plutôt réduire la dette par solidarité envers les générations futures qui devront en assumer le fardeau. Pour favoriser le développement économique, ils souhaitent également que les entreprises paient moins d’impôts.

Le néolibéralisme

Dans les années 1980, les multinationales, les milieux financiers et certains partis politiques commencent à défendre l’idéologie du néolibéralisme. Ces groupes d’intérêt remettent en question l’Étatprovidence. Ils souhaitent ainsi augmenter la responsabilité individuelle afin que la population soit moins dépendante des services fournis par l’État. Cette façon de concevoir l’économie est à l’origine de l’adoption de plusieurs politiques néolibérales.

La privatisation

Au cours des années 1980 et 1990, les gouvernements du Québec et du Canada, influencés par le mouvement néolibéral, font plusieurs compressions dans les budgets pour diminuer la dette. Au fédéral, le gouvernement de Brian Mulroney entreprend de réduire la taille de l’État canadien en privatisant certaines sociétés d’État. Ainsi, en 1988, il privatise la société Air Canada, puis Petro-Canada en 1991. Au Québec, le gouvernement de Robert Bourassa réduit le nombre d’employés et les salaires dans le secteur public, en plus de procéder, lui aussi, à des privatisations. Depuis, l’État accepte que certains services publics soient privatisés. Par exemple, certains citoyens paient pour avoir accès à des soins de santé plus rapidement en fréquentant des cliniques privées. D’autres, cependant, s’opposent à la privatisation des soins de santé. Ils dénoncent ce qu’on appelle « le système de santé à deux vitesses » : un système plus rapide pour les gens qui ont les moyens de payer, et un plus lent pour tous les autres.

La mondialisation de l’economie

Depuis 1980, les échanges économiques s’effectuent de plus en plus à un niveau international : c’est la mondialisation des marchés. Les entreprises investissent à l’étranger et exportent leurs produits partout dans le monde. Pour rester compétitif sur les marchés mondiaux, le Canada décide de se joindre à de grands ensembles économiques.

Les accords de libre-echange

Les accords de libre-échange que signe le Canada permettent aux entreprises canadiennes de mener des activités commerciales sur un pied d’égalité avec les entreprises du pays ou du groupe de pays partenaires. Ces accords prévoient notamment la réduction ou l’élimination des obstacles au commerce (par exemple, les droits de douane, les quotas). Ils peuvent couvrir différents secteurs de l’économie et comprendre diverses dispositions (par exemple, la mobilité de la main-d’œuvre, la propriété intellectuelle et l’investissement).

À partir de 1986, le gouvernement de Brian Mulroney entreprend des négociations avec les États-Unis, principal partenaire économique du Canada. En 1989, l’Accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis entre en vigueur. Cet accord élimine les droits de douane sur la plupart des produits que les deux pays échangent. En 1992, le Mexique se joint aux deux pays, et un nouvel accord prend forme : l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA), qui entre en vigueur en 1994. L’ALENA élimine les droits de douane sur la plupart des produits entre le Canada, les États-Unis et le Mexique.

Les secteurs d’exportation du Quebec

Pour le gouvernement du Québec, les accords de libre-échange constituent une occasion de faire des affaires à l’extérieur du marché canadien. Les politiques de libre-échange servent le Québec, qui augmente ses exportations. La province commence à participer à la mondialisation de l’économie et ouvre son marché à la concurrence mondiale. Les entreprises québécoises peuvent désormais vendre leurs produits à plus de consommateurs. La mondialisation facilite aussi l’importation à moindre coût de matières que la province ne produit pas.

Les effets de la mondialisation

Dans les années 1980 et 1990, le phénomène de la mondialisation économique s’accélère : les échanges se multiplient. Toutefois, la mondialisation crée une concurrence entre les pays. Cela signifie que chacun doit vendre les biens qu’il produit à un meilleur prix. Cette situation engendre de nombreux débats de société. Plusieurs voient dans la mondialisation une chance pour le pays d’accroître sa production et de permettre d’améliorer le niveau de vie de la population. Cependant, d’autres considèrent que la mondialisation est aussi responsable de la baisse du nombre d’emplois disponibles au Québec. En effet, dans les dernières années, de nombreuses entreprises décident de délocaliser leurs usines là où les coûts de production (salaires des employés, prix des matières premières, etc.) sont moins élevés.

Quebec inc.

Québec inc. est un nom que plusieurs attribuent au partenariat qui se met en place à partir de la Révolution tranquille entre le gouvernement du Québec et un groupe d’entreprises privées dirigées par des Québécois francophones. Ces entreprises bénéficient du soutien et des grands projets du gouvernement québécois pour se développer.

L’ère du Québec inc. a eu un effet très important sur l’économie du Québec. En plus de soutenir de gros joueurs, elle a permis le développement et la consolidation de nombreuses petites et moyennes entreprises québécoises, a créé des milliers d’emplois et a diversifié l’économie. La part de l’emploi contrôlée par les entreprises francophones passe de 47 % en 1960 à 67 % en 2000.

Pour faire face à une concurrence devenue mondiale, de nombreuses entreprises québécoises fusionnent. On assiste alors à la naissance de géants tels que Bombardier-Canadair, SNCLavalin ou Provigo-Loblaws. Certaines de ces grandes entreprises s’intègrent par la suite à des groupes encore plus vastes à l’échelle internationale. Dans les années 2010, les fleurons de l’économie du Québec sont donc moins nombreux, mais ils sont plus imposants.

L’economie et les mouvements de justice sociale

Face au néolibéralisme qui entraîne le désengagement de l’État et aux effets négatifs de la mondialisation, des mouvements de protestation s’organisent au Québec. Des groupes de la société civile dénoncent non seulement les politiques néolibérales adoptées par les gouvernements, mais aussi l’inaction de ces derniers devant les inégalités sociales et les écarts de richesse qui se creusent au sein de la population. Ils organisent des manifestations et font signer des pétitions pour réclamer une plus grande justice sociale. En 2002, le gouvernement du Québec réagit en adoptant la Loi visant à lutter contre la pauvreté et l’exclusion sociale. En 2007, il crée aussi le Programme de solidarité sociale, qui distribue une aide financière aux personnes qui ne peuvent pas travailler. Malgré tout, la justice sociale continue de reculer à bien des égards, au Québec comme ailleurs.

L’economie sociale

L’économie sociale prend de plus en plus de place au Québec. Il s’agit d’une façon différente d’exercer des activités économiques en prenant en compte les besoins de la collectivité ou des membres de l’entreprise. Ce courant, qui prône l’équité et la solidarité sociale, vise à promouvoir des projets au sein de communautés aux prises avec des difficultés économiques ou sociales. La majeure partie des profits réalisés par les entreprises d’économie sociale sont redistribués entre les participants ou au sein de la collectivité.

Les projets d’économie sociale visent entre autres à développer l’économie d’une communauté en créant des emplois durables et de qualité, mais aussi à lutter contre la pauvreté et l’exclusion sociale tout en répondant aux besoins les plus criants. Par exemple, une entreprise de recyclage de vélos ou d’ordinateurs orientée vers l’économie sociale embauchera de jeunes décrocheurs, alors qu’un bistro donnera du travail à des handicapés intellectuels. Ces personnes souvent exclues participent ainsi activement au développement économique de la société.

L’économie sociale au Québec représente, en 2015, environ 10 % du produit intérieur brut (PIB) et fournit quelque 210 000 emplois au sein d’environ 7000 entreprises, ce qui en fait une forme d’économie très importante.

La devitalisation de localités

Depuis les années 1980, le phénomène de l’urbanisation continue de croître au Québec. Les grandes villes gagnent en importance, souvent au détriment des localités rurales. Certaines communautés en marge des zones de croissance économique, souvent éloignées des grands centres, connaissent un problème de dévitalisation.

Depuis 1996, le gouvernement québécois utilise certaines données sociales, économiques et démographiques pour établir un indice de développement des communautés et détecter la dévitalisation. En 2015, 152 villes ou municipalités du Québec sont considérées comme étant dévitalisées. Ces communautés ont une faible activité économique et subissent le vieillissement d’une population peu scolarisée et à faible revenu, dont plusieurs membres reçoivent des prestations d’assurance emploi ou de l’aide sociale. Cela s’accompagne d’une baisse de la population active. Les localités dévitalisées sont réparties dans pratiquement toutes les régions du Québec. À certains moments, le gouvernement tente de stimuler l’économie de ces localités en soutenant financièrement leur développement.

Les villes mono-industrielles

Une ville mono-industrielle est une ville dont l’économie dépend en bonne partie de l’exploitation ou de la transformation d’une ressource naturelle par une seule ou quelques entreprises. Elle est souvent éloignée des grandes agglomérations urbaines. Dans ce type de ville, les fluctuations de l’économie peuvent avoir un effet majeur. Par exemple, la récession du début des années 1980 a parfois entraîné la fermeture de mines ou d’industries qui étaient l’unique moteur économique d’une ville. L’épuisement ou l’arrêt de l’exploitation de la ressource peuvent aussi entraîner la fermeture d’une mono-industrie. La ville touchée est alors à risque de se dévitaliser. Pour contrer ce phénomène, la diversification des activités économiques s’avère une solution possible.

Les mouvements migratoires

La dévitalisation d’une localité occasionne le départ d’une partie de la population en âge de travailler. Par ailleurs, les jeunes des petites communautés qui s’exilent vers les grands centres pour poursuivre leurs études ont peu de chances d’obtenir un emploi spécialisé dans leur milieu d’origine. Leur départ est souvent définitif. Ces facteurs entraînent une diminution et un vieillissement de la population.

Les services de proximite

Avec l’urbanisation, les services se concentrent de plus en plus dans les villes, qui offrent un plus grand marché. De plus, certains services de proximité dans les petites localités sont mis en péril par la diminution de la population. Il peut s’agir de l’épicerie, du restaurant, de la station-service, de l’école primaire, du bureau de poste, de l’institution financière, etc. La disparition de certains services de proximité se traduit par des pertes d’emplois et augmente la difficulté de retenir ou de renouveler la population, ou encore de diversifier l’économie locale.

Le declin du poids politique des regions

La diminution de la population des régions rurales entraîne une réduction de leur poids économique et politique. Au Québec, la Commission de la représentation électorale est chargée d’établir la limite des circonscriptions électorales. Par exemple, lors de la réforme de la carte électorale en 2012, la Commission a redessiné les limites des circonscriptions et elle a aboli trois circonscriptions rurales dans la région de l’Est-du-Québec, pour en créer trois nouvelles autour de Montréal.

La releve agricole

Le milieu rural québécois est confronté à un problème de relève agricole, mais ce problème n’est pas spécifique aux localités dévitalisées. Ce sont essentiellement plusieurs contraintes et règlements qui compliquent les conditions d’établissement des jeunes, car ces derniers sont assez nombreux à obtenir un diplôme en agriculture chaque année. Le problème comporte plusieurs facettes :

  • Les revenus de l’agriculture dépendent du climat et peuvent varier. En raison du risque financier, les jeunes en démarrage ont de la difficulté à emprunter les sommes considérables qu’il leur faut pour s’établir en agriculture.

  • Il est plus rentable pour un agriculteur de procéder au démantèlement de sa ferme que de la transférer à un jeune qui souhaite prendre la relève.

  • Le coût d’acquisition des terres agricoles augmente rapidement. Dans certaines régions, un hectare de terre qui valait 1600 $ en 1990 vaut environ 10 000 $ en 2016.