Module 3 : Les vrais crimes et les crimes qui n’en seraient pas vraiment ? Le cas des illégalismes privilégiés
Comportements divers :La complexité et la subtilité de définir un crime et un criminel dans un monde en constante évolution.L'importance de distinguer entre plusieurs catégories de comportements :
Comportements criminalisés : Actions clairement définies dans le code pénal comme des crimes, tels que le vol, l'agression et le meurtre.
Comportements criminalisables : Actions qui pourraient être poursuivies judiciairement mais qui ne sont pas nécessairement considérées comme des crimes dans le cadre juridique actuel, comme la fraude fiscale.
Illégalismes : Ensemble de comportements qui enfreignent la loi sans être jugés pénalement, tels que l'évasion fiscale à l'échelle des entreprises.
Comportements déviants : Actions qui s'écartent des normes sociales acceptées sans enfreindre la législation en vigueur, comme certaines formes de protestation.
Discussion sur les illégalismes :Une analyse des illégalismes qui, bien que considérés comme répréhensibles, ne sont pas toujours interprétés comme des crimes dans le contexte social ou judiciaire.
Déviance vs. Illégalismes : Comprendre la frontière floue entre les comportements jugés déviants et ceux qui tombent sous la catégorie des illégalismes.
Actions criminalisables et leurs perceptions dans la société, mettant en lumière le rôle des institutions dans cette dynamique.
Préjudices et criminalisation : Un comportement socialement dommageable, tel que la diffusion de fausses informations, ne conduit pas toujours à une criminalisation.
Exemple : La désinformation peut être propagée intentionnellement ou non, mais les conséquences de ces actions soulèvent des questions éthiques et sociopolitiques.
Impacts de la désinformation : Conséquences potentielles de la désinformation sur différents niveaux :
Perte de confiance envers les institutions publiques et privées.
Division sociale accrue et polarisation des opinions au sein de la population.
Risque pour la santé publique, tel que constaté lors de campagnes de désinformation sur les vaccins.
Criminalisation secondaire : Bien qu'un comportement puisse être jugé criminalisable, il n'est pas toujours poursuivi dans les faits.
Distinction entre criminalisation primaire (qui concerne les actes clairement définis comme criminels) et criminalisation secondaire (qui touche les actes qui pourraient l'être mais ne le sont pas dans la pratique).
Facteurs influençant la criminalisation : Divers éléments influencent la construction des lois et leur application, y compris :
Jeux d'acteurs : Influence des divers groupes de pression et des lobbies sur la législation.
Rapports de pouvoir : Comment les inégalités de pouvoir entre les différentes classes sociales peuvent affecter l'application de la loi.
Conflits de valeurs et d’intérêts : Les divergences dans les valeurs sociales et économiques qui influencent la perception des comportements.
Étude de cas : La Ford Pinto : Cette étude de cas illustre la rationalité économique au détriment de la sécurité humaine.Les décisions prises par Ford, fondées sur une analyse coût-bénéfice, ont entraîné des pertes de vies humaines significatives.
Coûts de la Ford Pinto : Estimations tragiques liées aux défauts de conception de la Ford Pinto :
180 morts et 180 blessures graves liées à des accidents d'incendie.
Analyse des coûts : Coût total des décès est estimé à 49,5 millions $, par rapport à 137 millions $ nécessaires pour mettre à jour les modifications de sécurité.
Théories sur la non-intervention :Deux théories expliquent pourquoi certains abus ne sont pas traités comme des crimes :
Impunité de classe : Biais systématique du système judiciaire qui protège les élites.
- Biais systématiques : Les élites bénéficient d’une protection légale qui les exempte de conséquences pour des comportements illégaux
- Influence législative : Les groupes de pressions influencent les lois pour préserver leurs avantages
-Accès aux ressources : Les classes privilégiées disposent de moyens financiers pour éviter les poursuites
-Responsabilité Limités : Les actes compromettant la sécurité sont souvent ignorés pour les élites, entraînant une injustice sociale.
Illégalismes privilégiés : Se traduisent par des actions rarement reconnues comme des crimes en raison de leur contexte socio-économique
Illégalismes privilégiés : Types d'illégalismes qui sont moins souvent traités par le droit pénal :
Atteintes aux biens : Dégradations causées par des entreprises ou des individus en raison de la négligence.
Atteintes à la vie : Cas où des décisions économiques entraînent la mise en danger des vies humaines, comme dans certaines industries.
Domaines d'illégalismes privilégiés : La présence d'illégalismes dans plusieurs secteurs clés pour la société :
Affaires : Corruption, conflit d'intérêt et fraude.
Administrations publiques : Malversations et abus de pouvoir.
Santé publique : Manquement aux règlements de sécurité et de santé.
Environnement : Non-respect des lois environnementales par des entreprises.
Santé et sécurité au travail : Négligence des droits des travailleurs et mise en danger de la sécurité au travail.
Cas spécifiques d'illégalismes : Exemples variés de comportements illégaux par secteur, illustrant la complexité et les conséquences.
Études de cas qui démontrent comment divers types d'illégalismes affectent les communautés et les environnements.
Caractéristiques des illégalismes privilégiés : Identification des comportements échappant au droit criminel et les défis liés à leur application.
Dimension juridique : Les ambiguïtés dans la loi qui permettent le passage à côté de la responsabilité criminelle.
Dimension événementielle : Comment les événements peuvent influencer la perception de ce qui est considéré comme un crime.
Dimension des règlements des conflits : Comment les conflits sont souvent réglés en dehors du cadre légal.
La dimension idéologique : Une question de représentation sociale
- Les représentations sociales sur ce qui est un crime et sur ce qui ne l’est pas jouent un rôle non négligeable dans la difficulté à voir les illégalismes privilégies comme des crimes. Ces illégalismes ne collent pas toujours à “l’image du crime”
À quoi renverrait généralement l’image du crime ?
À une action individuelle
À una action commise par un individu qui a une faille (psychologique ou morale) mais aussi et surtout une position socialement inférieure
À une action qui ferait l’objet d’une réprobation sociale et pénale supposément universelle
Cette image du crime qui dès lors :
exclue les situations-problèmes dont les organisations (vs un individu) sont responsables
Exclue les comportements produits par des gens normaux, obéissants aux exigences de ces organisations (plus encore quand ils appartiennent aux classes sociales favorisées)
Exclue les comportements dont la réprobation paraît moins consensuelle (au point qu’une partie de la population peut même l’encourager) ou dont la qualification pénale n’apparaît pas “évidente”
Ces illégalismes sont souvent socialement tolérés parce qu’ils sont vus, à tort, comme abstraits (à la différence des crimes contre les biens et surtout les personnes)
Or on oublie facilement que ces illégalismes font aussi des victimes
Il y a aussi une tolérance des élites par rapport à leurs propres transgressions au point de ne pas les voir comme telles
La dimension matérielle : la difficulté à établir des liens de causalité menant à la définition “crime”
Ces illégalismes sont en effet souvent d’une telle complexité qu’il devient très difficile d’établir des liens entre les évènements, comportements et les responsables
Qui plus est, les évènements sont souvent réglés par un réseau de contrôle interne, évitant ainsi qu’ils soient pris en charge par le droit criminel
La dimension juridique : les lacunes juridiques du droit criminel
Ces illégalismes bénéficient souvent, en amont du droit criminel, de l’intervention d’organismes (inspection du travail, etc.) qui limitent la possibilité de se rendre jusqu’au système pénal
Le droit criminel n’est par ailleurs pas bien outillé pour faire face à des conflits, évènements qui quittent le scénario auteur, victime. Il est en effet très difficile d’établir hors de tout doute raisonnable l’intention coupable ET la responsabilité individuelle.
Constats généraux sur les illégalismes privilégiés
On a bien vu dans les exemples précédents, règle générale, la gestion de ces illégalismes tranche par rapport aux illégalismes “populaires” dont le mode de résolution est souvent simpliste et expéditif : celui de la justice pénale.
Pourtant le coût social de ces illégalismes privilégiés est très élevé
Selon certaines estimations aux USA, les illégalismes privilégiés coûteraient entre 20 et 30 fois plus au pays que la “criminalité ordinaire”.
Nous constatons également que, sauf exception, les illégalismes privilégiés sont aussi fortement associés à des pratiques auxquelles n’ont accès que les élites économiques et politiques de la société (grandes corporations, élites médicales, politiciens, les très riches, etc.). Ceci dit, il est important de comprendre que ce n’est pas parce qu’une affaire n’arrive pas au système pénal que rien ne se passe ailleurs.
En effet, nous avons vu que d’autres modalités de résolution sont possibles : poursuites civiles, administratives, etc.
Autrement dit, le droit criminel est loin de pouvoir revendiquer un contrôle sur tout ce qui relève théoriquement de son champ de compétence :
D’ailleurs, dans bien des cas, il serait sans doute plus utile pour tout le monde d’éviter de mobiliser le droit criminel pour régler une situation problématique.
Pour justifier un traitement différentiel entre ces illégalismes privilégiés et les crimes habituellement poursuivis, on entend souvent la phrase “Oui mais frauder ce n’est pas la même chose que tuer”. Or, nous l’avons vu, les uns comme les autres provoquent en fait des coûts sociaux au mieux très semblables, voire encore plus dommageables du côté des illégalismes privilégiés. Comment comprendre alors que des distinctions de définition et de traitement aient pu ainsi être érigées entre ces illégalismes privilégiés et les crimes habituellement poursuivis ? Comment comprendre ce mur artificiel entre les uns et les autres ?
La qualification pénale n’est qu’une qualification juridique parmi d’autres. Ce cas de figure facilite un traitement de l’affaire ailleurs qu’au criminel (rarement le mieux outillé parmi les options possibles pour y répondre)
Les auteurs et victimes ne sont pas toujours faciles à identifier :
Une personne morale (compagnie) est-elle un auteur ?
Et de quels “auteurs” un client dont on a volé les données bancaires est-il la victime ? Il peut s’agir d’une personne malintentionné qui y a accès de par son travail dans une entreprise (desjardins) mais si c’est Facebook ?
Un lac a été empoisonné par des produits industriels : comment retrouvé qui a pollué le lac et qui en a souffert?
Il y a aussi le fait que dans le cas des illégalismes privilégiés, les rapprochements entre causes et conséquences ne vont pas toujours de soi. Les liens de causalité et de culpabilité sont donc difficiles à établir hors de tout doute raisonnable.
En admettant qu’on retrouve qui a empoisonné le lac, est-ce pour autan simple d’établir un lien de cause à effet si des personnes ont des problèmes de santé après s’y être baignées ?
Il arrive cependant que des liens puissent être établis et même que le droit criminel intervienne mais les choses ne rentrent pas toujours dans l’ordre pour autant
Il arrive aussi que des liens puissent être établis mais que les raisons comme les responsabilités respectives ne soient pas si simples à trancher.
Les élites économiques et politiques arrivent souvent à faire passer des intérêts de groupe et de classe sociale pour de l’intérêt général, Cette déviance peut ainsi être vue comme un dysfonctionnement normal voire un fonctionnement normal quand on évolue dans la sphère des puissants.
Le politique peut chercher à court-circuiter ou à tout le moins influencer la voie prise par le judiciaire quand il y a des enjeux économiques majeurs pour une région, comme par exemple des pertes d’emplois, selon la voie qui sera prise.
Les “magouilles” peuvent aussi susciter un sentiment d’impuissance ou une forme d’admiration de la part de la population, soit deux sentiments qui ne poussent pas à mettre la pression sur ces élites pour qu’elles s’autorégulent plus strictement.
Les illégalismes sont souvent peu visibles (exemple de la corruption) et difficiles à retracer (personne n’a intérêt à parler, gains escomptés sont rarement immédiats). Sans oublier mécanismes (secret industriel, secret d’État) que se donnent les élites pour contourner les lois.
Dans le cas des illégalismes privilégiés, il semble y avoir des gagnants (actionnaires, clients) et des garanties (droit du travail, droit social, chartes de bonne gouvernance, inspections sociales) légitimes, Or, il arrive de plus en plus que la catégorie juridique de la responsabilité limitée et la voracité encouragée des actionnaires vident le droit des entreprises de toute contrainte morale quand aux coûts sociaux du sacro-saint profit. Pas étonnant alors que le droit social et le droit du travail ne font jamais que timidement corriger un déséquilibre permanent entre deux positions non seulement antagonistes mais aussi profondément inégalitaires (d’un côté les employeurs et les actionnaires; de l’autre, les employés). Les entreprises doivent bien sûr faire du profit (sous peine de disparaître et de mettre en difficulté les communautés dans lesquelles elles se sont implantées) mais pas à n’importe quel prix… En tant qu’actrices à part entière de nos sociétés, ces entreprises ont une responsabilité qui n’est pas économique.
Dans le cas des illégalimes privilégiés, les élites peuvent facilement brouiller les frontières entre activités légitimes et illégitimes.
Les élites peuvent aussi jouer sur les controverses scientifiques pour prétendre soit qu’elles avaient la '“science” de leur côté, soit que la science n’était malheureusement pas encore assez avancée pour éclairer leur décision.
Dans le cas des illégalismes privilégiés, une criminalisation secondaire suppose souvent un cumul improbable de circonstances. Et même quand ces circonstances adviennent, bien des responsables ne seront pas reconnus coupables.
Facteurs influençant le traitement différentiel : Les évolutions des intérêts de groupes et classes sociales influencent la manière dont certains comportements sont jugés.
Les élites : Stratégies mises en place pour éviter la responsabilité légale, souvent à travers des manœuvres politiques ou économiques.
Impact et coûts sociaux des illégalismes comparés aux crimes perçus chez les classes populaires.
Conclusion : Il est nécessaire de réajuster le droit criminel pour mieux gérer et réguler les illégalismes.La possibilité d’appliquer des modes alternatifs pour régler les conflits, favorisant ainsi une plus grande équité et une justice sociale.